Une histoire de la Bibliothèque universitaire de Lille / 13.
Les bibliothèques soutiennent la recherche et la pédagogie. Pas de laboratoires sans livres à proximité
La naissance des instituts spécialisés des facultés lilloises, dès le début du 20e siècle, est suivie très rapidement de la constitution de collections nécessaires à l’accompagnement des étudiants et des enseignants dans ces « lieux d’accueil du renouveau pédagogique »1.
Ainsi on sait que l’Institut pédagogique (1898) et l’Institut de géographie possèdent de nombreux ouvrages. L’Institut d’histoire de l’art, d’une superficie de 1000 m2, renferme une bibliothèque avec d’innombrables ouvrages d’art, des catalogues d’exposition et des monographies régionales2. L’Institut de papyrologie (1904) propose les salles de collection où on étudie les découvertes archéologiques et les papyrus grecs et démotiques, ramenés par le professeur Jouguet lors de ses fouilles dans le Fayoum. Une bibliothèque est proposée pour les étudiants3.
Rue de Valmy, siège de la section lilloise de l’Union des Etudiants de l’État, on trouve vers 1914, 183 journaux et périodiques ainsi « qu’une petite bibliothèque comprenant environ 14 000 volumes, des manuels et des dictionnaires. Une salle de travail est ouverte assez tard le soir, ce qui compense les horaires réduits de la bibliothèque universitaire. »4.
Les bibliothèques d’instituts ne sont pas mentionnées dans les rapports d’activités de la bibliothèque universitaire et on connaît assez peu les liens qui peuvent les unir.
La situation en France dans les années 1950
Les relations des bibliothèques d’instituts et de laboratoires avec la bibliothèque universitaire sont le sujet d’échanges importants dans le milieu professionnel au début des années 1950. La question fait l’objet en 1949, pour les premières journées d’étude des bibliothèques universitaires, d’un important rapport de M. Pitangue5, bibliothécaire en chef de la bibliothèque universitaire de Montpellier. Une enquête sur les bibliothèques d’instituts et de laboratoires des universités est réalisée en décembre 1954 auprès des bibliothécaires6. « Elle permet de constater que les relations entre bibliothèques d’instituts et bibliothèques universitaires a peu évolué depuis cinq ans. ». Ses résultats, portant sur l’année universitaire 1953-1954, sont présentés par Yvonne Ruyssen aux troisièmes journées d’étude des bibliothèques universitaires en décembre 19557. L’enquête révèle qu’il n’existe aucune organisation dans les universités à ce sujet (malgré la circulaire ministérielle du 10 janvier 1923) sauf à Montpellier où le traitement des ouvrages est centralisé à la bibliothèque universitaire depuis 1924.
Il est malaisé de déterminer ce qui mérite de porter le nom de bibliothèque …
La situation est très mal connue et il est quasi impossible d’établir une typologie : « il n’est pas toujours aisé de discerner dans l’éparpillement de petits fonds de livres, disséminés dans les divers services d’une faculté, ce qui peut ou non mériter le nom de bibliothèque… ». On trouve des bibliothèques réservées aux professeurs et aux chercheurs, des bibliothèques accessibles aux étudiants et des salles de travail pour étudiants. La typologie la plus commode permet de distinguer les bibliothèques des instituts et les bibliothèques de sections de facultés ou de groupes d’études aux situations très différentes. En l’absence de politique d’ensemble et de réglementation, le rôle du bibliothécaire de l’université est souvent prépondérant.
Une coordination est-elle possible ? La plus évidente consiste à coordonner les achats mais rien n’est prévu officiellement et certains enseignants y sont opposés. On parle d’une politique générale d’acquisitions propre à chaque université. Les bibliothèques d’instituts sont souvent dépourvues de catalogues et d’inventaires et il n’existe pratiquement pas de catalogue collectif. Certaines universités ont mis en place le dépôt de certaines collections de la bibliothèque universitaire dans les instituts. Les cas sont assez rares et les professionnels demandent une réglementation au sujet de ces dépôts.
La situation à l’université de Lille
« À Lille, la question de la coordination a été posée devant la commission. Le principe est admis, en particulier pour les disciplines scientifiques, la médecine et la pharmacie, que les bibliothèques d’instituts prennent en charge les achats d’ouvrages et de revues très spécialisés, alors que la bibliothèque universitaire achète les ouvrages et les collections de périodiques généraux ou trop onéreux. Par ailleurs, si les professeurs de Lille sont nettement hostiles à une coordination systématique des achats, une coordination officieuse existe cependant grâce à une entente directe avec le conservateur de la bibliothèque universitaire. »8. D’une façon générale, Mlle Andrée Bruchet, bibliothécaire en chef de l’université de Lille depuis le 1er octobre 1942, est en outre favorable à la constitution d’un catalogue collectif mais les bibliothèques universitaires n’ont pas les moyens.
À l’université de Lille, on compte 47 bibliothèques …
À Lille, on compte 47 bibliothèques parmi lesquelles les 15 bibliothèques de la Faculté des lettres paraissent de beaucoup les plus riches, en particulier les bibliothèques « littéraires »9. Des dépôts de sociétés savantes, d’établissements extérieurs à l’université donnent à certaines bibliothèques un intérêt particulier. Ainsi on trouve à l’Institut d’anglais de la Faculté des lettres de Lille, un dépôt d’ouvrages et de périodiques du British Council. Les bibliothèques les plus vivantes sont celles qui, grâce à la publication d’une revue ou à l’envoi de tirés à part, ont pu organiser un service d’échanges avec des établissements français et étrangers.
Pour les sciences, les instituts des sciences appliquées à l’industrie ou à l’agriculture et les observatoires d’astronomie ou de physique du globe, rattachés à l’université sont riches en documentation. Ainsi, en 1953-1954, la documentation astronomique du laboratoire d’astronomie10 a été substantiellement accrue, tant par voie d’échange (certains instituts étrangers leur ont envoyé toutes leurs publications depuis 1900) que par un certain nombre d’achats (collection complète des Annales d’Astrophysique, des numéros de l’Astrophysical Journal (1928-1952) manquant à la bibliothèque universitaire. 113 observatoires et instituts divers envoient régulièrement leurs publications. Le laboratoire entretient de très bonnes relations avec Mlle Bruchet. L’Institut de la houille possède également des bibliothèques particulièrement riches et spécialisées11.
En octobre 1956, l’Institut d’économie régionale de la Faculté de droit12 possède un centre de documentation de 500 livres (grâce à des achats et des dons), 60 revues et un catalogue de 15 000 fiches de dépouillement, signalétiques ou analytiques pour les études les plus importantes, qui renvoient, soit à des ouvrages possédés par l’Institut, le CERES, l’Institut des Sciences du Travail13 ou la Faculté, soit à des documents non possédés. Elles permettent de constituer rapidement une bibliographie.
À suivre
Isabelle Westeel
Précédents épisodes :
1. Origine de la Bibliothèque des Facultés de Lille
2. La bibliothèque universitaire en 1909
3. Les bibliothécaires de l’université de Lille entre 1883 et 1923
4. Il est difficile de compter les livres dans une bibliothèque
5. Le catalogage à la Bibliothèque universitaire de Lille
6. La bibliothèque universitaire de Lille pendant la Grande Guerre
7. Réflexions sur le métier de bibliothécaire au début du 20e siècle
8. La bibliothèque universitaire de Lille dans l’entre-deux-guerres
9. Liliane Wetzel, bibliothécaire en chef des bibliothèques universitaire et municipale (1937-1942)
10. La bibliothèque universitaire de Lille pendant la Seconde Guerre mondiale
11. 1952 : création de la section de médecine et de pharmacie de la Bibliothèque universitaire de Lille
12. La bibliothèque universitaire de Lille : en quête de témoignages et de documents
- Jean-François Condette, La faculté des lettres de Lille de 1887 à 1945 : une faculté dans l’histoire, [Villeneuve d’Ascq], Presses universitaires du Septentrion, 1999, p. 176-177. [↩]
- Jean-François Condette, op. cit ., p. 147. [↩]
- Jean-François Condette, op. cit ., p. 176-177. [↩]
- Jean-François Condette, op. cit ., p. 189. [↩]
- Alain Gleyze, Concentration et déconcentration dans l’organisation des bibliothèques françaises de province (1855-1985), Thèse, Lyon 2, 1999. http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/1999/agleyze#p=0&a=top ; http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.1999.agleyze&part=5264 Archives départementales de l’Hérault, Fonds François Pitangue http://archives-pierresvives.herault.fr/archives/fonds/FRAD034_000000550. [↩]
- Alain Gleyze, op. cit. http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.1999.agleyze&part=5266 [↩]
- Y. Ruyssen, « Les Bibliothèques d’instituts et de laboratoires et leurs relations avec la bibliothèque universitaire », dans Les bibliothèques et l’université, 1955, p. 61-100 (Cahiers des bibliothèques de France ; 3). [↩]
- Y. Ruyssen, op. cit. , p. 77. [↩]
- A Lyon, il existe 34 bibliothèques possédant au moins 500 volumes, à Bordeaux 35. [↩]
- Annales de l’Université de Lille 1953-1954, p. 189. Voir le site de l’observatoire de Lille (Université Lille 1) http://astronomie.univ-lille1.fr/ [↩]
- Annales de l’Université de Lille 1954-1955, p. 138. [↩]
- Annales de l’Université de Lille 1955-1956, p. 40. [↩]
- Annales de l’Université deLille 1955 -1956, p. 46. [↩]
Lire aussi sur Insula :
Isabelle Westeel, « Les bibliothèques d’instituts et de laboratoires de l’université de Lille », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 9 décembre 2013. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2013/12/09/bibliotheques-instituts-laboratoires-universite-de-lille/>. Consulté le 21 November 2024.
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