Exposition à Amiens jusqu’au 24 mars 2013.
Le Musée de Picardie d’Amiens propose une exposition consacrée aux cadrans solaires antiques sous le commissariat scientifique de Noël Mahéo, Conservateur en charge des collections archéologiques du Musée de Picardie et de Christine Hoët-Van Cauwenberghe, Maître de conférences en Histoire romaine l’université Lille 3. À cette occasion est paru un très riche numéro des « Dossiers d’archéologie ».
De tout temps …
Depuis la plus haute Antiquité, les hommes ont cherché à appréhender le temps qui passe, à calculer le temps de parole, à déterminer le jour d’une fête, …
À Rome, ce n’est pourtant qu’au IIIe siècle avant notre ère que des cadrans solaires sont installés dans la cité (le premier étant celui disposé sur le Quirinal en 263 av. J.-C.), illustrant la récupération et l’appropriation par les Romains de la culture grecque. S’ils ne sont pas d’une fiabilité absolue (« On mettra plus facilement d’accord les philosophes que les horloges », écrit Sénèque), ils deviennent des objets usuels du paysage urbain romain. Les cadrans sont situés dans les lieux publics, sur les lieux de passage, les monuments publics et religieux, dans les thermes, mais également – et surtout- dans les lieux privés où ils ornementent les jardins des plus riches, affirmant le statut social de leur propriétaire.
Les fouilles ont mis au jour 50 cadrans solaires pour la seule ville de Pompéi, ce qui devait être la norme pour une petite cité et montre la banalité d’un objet qui pouvait se présenter de diverses manières (on connaît seize types de cadrans solaires) et auquel il convient d’ajouter d’autres types d’instruments servant à mesurer le temps, comme les horloges à eau.
Les « montres » des Anciens
À côté de ces cadrans solaires et horloges, qui ont laissé beaucoup d’attestations archéologiques, il existait des cadrans solaires portatifs. Ce sont les « montres » de l’Antiquité : au premier siècle avant notre ère, l’ingénieur romain Vitruve signale l’existence de nombreux modèles destinés à ceux qui souhaitaient avoir l’heure sur eux et à ceux qui voyageaient (De Architectura 9, 8, 1). Les exemplaires trouvés lors des fouilles ont permis de confirmer la variété des cadrans antiques, du médaillon de bronze à la petite plaque en laiton, en bronze (Trèves) ou en os (Mayence) ; de l’anneau (Philippes en Grèce) au médaillon en forme de jambon à suspendre (à Herculanum en Italie). Ce sont ces objets qui sont les vedettes de l’exposition présentée à Amiens.
Deux découvertes picardes sont à l’origine de l’exposition-dossier présentée à Amiens consacrée au « Temps des Romains » : la découverte récente d’un cadran solaire portatif en os d’époque romaine faite lors des fouilles archéologiques menées à Amiens à l’îlot de la Boucherie et la présence d’un autre cadran antique en alliage cuivreux découvert à Berteaucourt-les-Dames (Somme). Ces deux exemplaires de cadrans solaires portatifs trouvés dans la Cité des Ambiens, très différents dans leur forme, sont datés du IIIe siècle de notre ère et témoignent de la diffusion de connaissances techniques dans les provinces les plus éloignées de l’Empire à de larges couches de la population.
Le « corpus » d’Amiens (Samarobriva) est d’autant plus exceptionnel que seuls vingt-quatre exemplaires de cadrans solaires portatifs sont répertoriés à ce jour pour l’ensemble du monde romain (contre plus de 500 cadrans solaires fixes disséminés dans l’ensemble de l’Empire romain) et présents dans divers musées européens1 ou dans des collections privées.
C’est à partir de ces deux objets qu’est née l’exposition amienoise. Ils sont entourés de quatre autres cadrans solaires portatifs, pour l’essentiel de Gaule du nord et de Germanie, les autres étant présentés par des panneaux explicatifs qui illustrent de manière didactique comment les Anciens percevaient et déterminaient l’heure.
Une exposition originale
En rassemblant ces exemplaires de cadrans portatifs venus d’Europe, en les comparant à des cadrans fixes comme celui conservé au musée de Louvre (scaphé de Carthage, un fac-similé) ou d’Allemagne (Gommersheim) et de Gaule Belgique, en montrant leur représentation dans l’art antique (comme dans la mosaïque de Trèves), les commissaires de l’exposition permettent au public d’avoir accès à des objets du quotidien, qui rythmaient la vie des Anciens, qui n’étaient parfois jamais sortis des musées où ils sont conservés ou qui n’avaient encore jamais été montrés au public.
À noter qu’un cycle de conférences accompagne l’exposition à Amiens.
On en trouvera le programme sur le site de la ville d’Amiens : http://amiens.fr
Par ailleurs, une journée d’études se tiendra à l’Université Lille 3 le 29 mars 2013 sous la direction de Javier Arce et Jérome Bonnin.
Un numéro des « Dossiers d’archéologie »
Le n° 354 des « Dossiers d’archéologie » (mois de Novembre/Décembre 2012) – dirigé par Christine Hoët-Van Cauwenberghe – est consacré au Temps des Romains. Il complète très largement l’exposition d’Amiens. Ce dossier ne s’arrête pas aux seuls cadrans solaires mais évoque également le gnomon, l’analemme, les cadrans monumentaux et horloges solaires (Tour des vents d’Athènes, Comitium à Rome), le fonctionnement et les usages au quotidien des horloges, l’iconographie des instruments du temps, les usages et la symbolique des calendriers, …
Richement illustré, ce numéro des « Dossiers d’archéologie » complétera le mini-catalogue de l’exposition amienoise.
Sommaire du numéro
- « Le temps d’une découverte »,
par Noël Mahéo (Musée de Picardie, Amiens) et Christine Hoët-van Cauwenberghe (université Lille 3) : À propos de la découverte à Amiens d’un cadran solaire portatif d’époque romaine - « La construction des cadrans solaires antiques »,
par Denis Savoie (Palais de la Découverte) - « Le temps civil et l’apparition des premières horloges à Rome »,
par Jean-Luc Bastien (université de Rennes) - « Les cadrans solaires dans les mosaïques antiques »,
par Marek Titien Olszewski (université Varsovie) - « Horologia Romana : cadrans et instruments à eau »,
par Jérôme Bonnin (dr. de l’université Lille 3) - « La cité des Trévires et les cadrans solaires »,
par Christine Hoët-van Cauwenberghe (université Lille 3), Jean Krier (MNHA, Luxembourg) et Lothar Schwinden (Landesmuseum Trier) - « Les instruments de mesure de l’espace et du temps en Gaule belgique »,
par Didier Bayard (Amiens métropole) - « Le cadran solaire portatif d’Amiens : circonstances d’une découverte exceptionnelle »,
par Éric Binet (Amiens métropole) - « Les cadrans solaires portatifs : à Amiens et dans le monde romain »,
par Christine Hoët-van Cauwenberghe (université Lille 3) - « Les cadrans solaires de hauteur »,
par Denis Savoie (Palais de la Découverte) - « Le calendrier romain, instrument de pouvoir : de césar aux débuts de l’empire »,
par Bénédicte Estrade (dr. de l’université de Paris IV) - « Mettre en scène le temps dynastique à Rome : les « Fastes impériaux » »,
par Cédric Brélaz (université de Strasbourg) - « Un calendrier rustique ? La mosaïque de la villa d’Orbe en Suisse »,
par Sophie Delbarre (Musée d’Avenches) - « Le temps et l’espace dans l’Empire romain »,
par Ch. Hoët-Van Cauwenberghe et Éric Binet (Amiens métropole) - « Les horloges au quotidien dans l’Antiquité romaine »,
par Jérôme Bonnin (dr. de l’université Lille 3) - « L’armée romaine et la mesure du temps »,
par Christophe Schmidt-Heidenreich (université de Lausanne) - « Le temps et l’éternité : les horloges en image »,
par Jérôme Bonnin (dr. de l’université Lille 3) - « Le Soleil »,
par Christine Hoët-van Cauwenberghe (université Lille 3)
Pour en savoir plus
L’exposition « Le Temps des Romains : perception, mesure et instruments » est présentée au Musée de Piicardie jusqu’au 24 mars 2013. Renseignements sur le site : amiens.fr/musees
Le Musée a publié une plaquette de 16 pages : Le temps des Romains : perception, mesure et instruments, Amiens : Musée de Picardie, 2012. ISBN 978-2-908095-44-9
« Le Temps des Romains : perception, mesure et instruments », Dossiers d’archéologie n° 354 (novembre-décembre 2012).
Voir sur le site des Dossiers d’archéologie :
dossiers-archeologie.com
Rappelons que le blog Insula a récemment publié un entretien avec Jérome Bonnin consacré aux horologia romana : Christophe Hugot, « À propos des “Horologia Romana”: entretien avec Jérôme Bonnin », Insula [En ligne], mis en ligne le 27 septembre 2012.
URL : <https://insula.univ-lille3.fr/2012/09/horologia-romana/
- Cadrans solaires portatifs dans les Musées britanniques : Science Museum of London, British Museum de Londres, musée d’Oxford ; dans les Musées allemands : Mayence, Trèves ; italiens, Este, Herculanum, Appulée ; dans les Musées grecs : Samos …etc. [↩]
Lire aussi sur Insula :
Christophe Hugot, « À propos du Temps des Romains : perception, mesure et instruments », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 28 novembre 2012. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2012/11/28/exposition-le-temps-des-romains/>. Consulté le 7 October 2024.