Une histoire de la Bibliothèque universitaire de Lille / 5.
Ce cinquième épisode de notre histoire de la Bibliothèque universitaire de Lille nous amène à nous intéresser au catalogage des livres à la fin du 19e et au début du 20e siècle.
Précédents épisodes :
1. Origine de la Bibliothèque des Facultés de Lille
2. La bibliothèque universitaire en 1909
3. Les bibliothécaires de l’université de Lille entre 1883 et 1923
4. Il est difficile de compter les livres dans une bibliothèque
Catalogage : ensemble des opérations qui permettent de constituer le catalogue d’une bibliothèque en se fondant sur le recensement exhaustif et analytique de son fonds1.
Un exemple de page de titre
La page de titre de l’ouvrage d’Henri Wallon, Histoire de l’esclavage dans l’Antiquité, Paris, Imprimerie royale, 1847 (3 vol.) montre le cachet de la Faculté des lettres de Douai, le cachet de la Bibliothèque universitaire de Lille, son ancienne cote « biffée » d’un cachet rectangulaire tout en haut de la page de titre et « 60035 » sa cote attribuée le 6 novembre 1915 (inscription à l’inventaire des 60000).
Le traitement et le catalogage des ouvrages de la bibliothèque universitaire de Lille sont assurés conformément à l’Instruction générale pour l’organisation des bibliothèques universitaires du 4 mai 1878. La mise à disposition des collections impose un travail considérable de refonte des anciens registres et par conséquent de vastes travaux d’écriture. Il faut fusionner les anciennes séries provenant des dépôts primitifs de la bibliothèque. En 1909, on pense que ce travail de refonte sera terminé en 1915. « Il aura fallu quinze ans de travail pour unifier et cataloguer de façon définitive les collections de la bibliothèque »2. Le catalogue sur fiches « comprend dans une série unique les fiches alphabétiques et méthodiques de tous les ouvrages (volumes, périodiques, thèses, anonymes). Les fiches méthodiques sont disposées par ordre alphabétique suivant la méthode américaine qui a présidé à l’arrangement des articles dépouillés dans l’Index Catalogue ».
Pour le public et les collègues qui ont connu le catalogue sur fiches papier de la bibliothèque universitaire de Lille, cela correspond au « catalogue avant 1952 ».
Le travail de rédaction des fiches est considérable, vu la courbe d’accroissement des collections. Pour chaque ouvrage entré, il faut établir en moyenne deux à trois fiches pour le catalogue, en comptant les fiches secondaires et les fiches de renvoi. En 1900, Paul Vanrycke indique que le catalogage des thèses a commencé : il s’agit de 80 000 dissertations et donc de plus de 200 000 fiches à établir. On sait par ailleurs que Louis-Eugène Macaigne3, bibliothécaire à Lille de 1907 à 1922, a catalogué seul en deux ans (1911-1913) plus de 10 000 volumes du fonds Angellier, sur un rythme de 50 à 100 fiches par jour.
On a un peu oublié les méthodes utilisées pour établir rapidement ces catalogues. Les opérations récentes de conversion rétrospective4 permettent de les deviner. En 1902, Paul Vanrycke demande au ministère5 des exemplaires supplémentaires du Catalogue général des imprimés de la Bibliothèque nationale,6 destinés à être découpés, collés sur fiches et permettant ainsi de substituer, à un catalogue écrit ou complètement à faire, un catalogue imprimé. Dans sa correspondance, il rappelle qu’à la page 73 de l’Introduction contenue dans le premier volume du Catalogue général des imprimés…, Léopold Delisle écrivait : « N’oublions pas qu’on aura besoin de multiples exemplaires du catalogue pour dresser au moyen de découpures de vastes répertoires »7. De la même façon, Paul Vanrycke utilise les répertoires imprimés sur papier pelure et d’un seul côté pour les thèses de France, d’Allemagne et de Suisse (Jahres-Verzeichniss), de Suède et de Danemark.
Enfin, dernier instrument très largement utilisé à la fin du 19e siècle : le Catalogue collectif des Bibliothèques universitaires entrepris à Montpellier8. Ce projet esquissé dans la Revue des bibliothèques en novembre 1891 et mis à exécution dès 1894 vise à établir un Catalogue collectif des acquisitions de toutes les bibliothèques universitaires de France.9 L’un des buts essentiels est de fournir aux diverses bibliothèques universitaires les moyens de se constituer des catalogues alphabétiques et systématiques imprimés, en faisant découper et coller sur fiches les exemplaires tirés sur papier pelure qui leur sont fournis. À partir des fascicules IV et V (Montpellier, 1899), pour gagner de la place et parce qu’on estime que ce catalogue n’est pas une bibliographie, on décide de supprimer la mention du nombre de pages pour tous les ouvrages de plus de 100 pages10.
Lors des opérations récentes de conversion rétrospective, les bibliothécaires ajouteront donc cette information de manière manuscrite sur les fiches destinées à être envoyées en prestation extérieure…
À suivre
Isabelle Westeel
Épisode suivant :
6. La bibliothèque universitaire de Lille pendant la Grande Guerre
- Dictionnaire encyclopédique du livre, [1], A-D, sous la dir. de Pascal Fouché, Daniel Péchoin, Philippe Schuwer, Paris, Ed. du Cercle de la Librairie, 2002, p. 466. [↩]
- Annales de l’Université de Lille, 1908-1909, Lille, 1910, p. 23. [↩]
- Arch. nat. F17 24615. Louis-Eugène Macaigne bibliothécaire à la bibliothèque universitaire de Lille du 1er octobre 1907 au 31 décembre 1922, est bibliothécaire en chef de l’université de Poitiers du 1er janvier 1923 au 31 mai 1926 puis bibliothécaire en chef à Lille du 1er juin 1926 au 30 septembre 1937. [↩]
- La conversion rétrospective est l’informatisation des catalogues anciens d’une bibliothèque (catalogues imprimés et fichiers manuels…)… Dictionnaire encyclopédique du livre, [1], p. 639. [↩]
- Lettre de Paul Vanrycke à M. le Ministre le 12 juin 1902. Arch. nat. F17 3557. P. Vanrycke pense utiliser les notices du Catalogue général des imprimés de la Bibliothèque nationale pour le vieux fonds de la bibliothèque, les thèses allemandes antérieures à 1885, suisses antérieures à 1897, hollandaises, danoises et russes, françaises antérieures à 1884. Le 19 juin, le ministère lui répond que « … la situation des crédits a obligé l’administration à réduire le tirage du catalogue général des livres imprimés de la BN. Il en résulte que le nombre très restreint des exemplaires ne lui permet pas de faire d’attribution supplémentaire ». [↩]
- Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque nationale : auteurs, Paris, Imprimerie nationale, 1897-1981, 231 vol. [↩]
- Léopold Delisle est administrateur général de la Bibliothèque nationale de 1874 à 1905. http://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9opold_Delisle [↩]
- Université de France. Bibliothèques universitaires de Aix, Alger, Besançon, Caen, Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montauban, Montpellier, Nancy, Poitiers, Rennes et Toulouse : liste alphabétique des nouvelles acquisitions. Montpellier, 1895-1899. Lille rejoint ce catalogue collectif au tome 3, Montpellier, 1898. (année scolaire 1895-1896). [↩]
- Préface du tome 3. Montpellier, 1898. [↩]
- Préface p. VII. [↩]
Lire aussi sur Insula :
Isabelle Westeel, « Le catalogage à la Bibliothèque universitaire de Lille », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 5 avril 2013. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2013/04/05/catalogage-bibliotheque-universitaire-de-lille/>. Consulté le 21 November 2024.
Pingback : Il est difficile de compter les livres dans une bibliothèque | Insula