Le fonds « Jean Vercoutter » est entré à Lille 3 en septembre 2012. Depuis son arrivée, il a été exploré de manière systématique pour en établir un premier inventaire sommaire. Il nous est donc aujourd’hui possible de présenter avec plus de précisions ce très riche ensemble provenant de l’égyptologue.
Le fonds « Jean Vercoutter » à l'honneur à Lille 3
Le vendredi 7 juin 2013, lors des Journées nationales de l’archéologie, ont été exposés à l’université Lille 3 quelques documents représentatifs du fonds « Jean Vercoutter ». Mme Fabienne Blaise, présidente de l’université, a ainsi eu l’occasion de remercier M Jean-Michel Vercoutter d’avoir confié les archives de son père à l’université où il fut professeur en égyptologie de 1960 à 1976.
Un fonds d’archives est l’ensemble des documents émis et reçus par son producteur et rassemblés en vue de leur conservation. Derrière cette définition un peu froide se cache une réalité bien plus intime : dans le cas d’un fonds privé, il s’agit de l’ensemble des traces qu’un homme a choisi de laisser de sa vie. Nous n’avons que ce qu’il a gardé.
Dans le cas de Jean Vercoutter, le fonds est extraordinairement riche car l’égyptologue a conservé tout au long de sa vie tous ses documents professionnels, quel que soit le moment de sa carrière. Se plonger dans ces archives, c’est donc connaître un peu mieux l’homme qui se trouve derrière le savant, reconstituer au-delà de sa carrière, sa méthode, ses relations avec ses pairs, sa perception de son travail et de son milieu.
Diversité des supports
Pour une idée du volume, le fonds représente :
- environ 60 cartons
- plus de 300 dossiers constitués par Jean Vercoutter et son épouse
- 4 boites de photographies aériennes du Soudan
- 25 boîtes de diapositives classées
Aux divers papiers, il faut également signaler une abondante documentation imprimée. Il s’agit de la collection des thèses et tirés à part conservés par Jean Vercoutter (30 cartons environ). Les tirés à part sont généralement classés par thème ou par année. Il existe par ailleurs un fichier bibliographique des tirés à part dont la concordance avec la collection reste à établir.
Enfin, il faut souligner la richesse du fonds de photographies qui accompagne ces documents. Toutes ne sont pas séparées des papiers et les rapprochements à faire entre ces deux ensembles sont évidents. Il s’agit d’abord d’un fonds de diapositives, correspondant aux clichés pris sur les différents chantiers de fouille auxquels l’archéologue a participé. Ces photographies sont soit celles du chantier, réalisées par un photographe professionnel, soit des clichés pris par Jean Vercoutter lui-même.
Ces photographies documentent le travail réalisé notamment à Aksha, Mirgissa et Saï. En outre, des photographies des sites fréquentés par l’égyptologue au cours de ces déplacements viennent élargir le champ géographique représenté. Le fonds de diapositives est largement composé de diapositives commerciales, acquises pour illustrer cours et conférences. Les références n’en sont pas perdues et leurs usages dans certaines conférences parfois attestés. Comme pour les papiers, tout a été scrupuleusement conservé, y compris certains clichés dits « semi-ratés ». On trouve également de nombreux négatifs noir et blanc, dont on ne possède pas toujours les positifs. Un traitement reste donc nécessaire pour identifier avec précision ces rouleaux. Parmi les photographies, il faut encore signaler une très belle collections de photographies aériennes, provenant notamment du Soudan. Si une partie des négatifs est également conservée avec le fonds, celui-ci est essentiellement constitué de tirages, dont certains en grand format. Ces clichés, parfois mal fixés sur le support, demanderont un traitement spécifique de conservation. D’autres tirages sont disséminés dans les dossiers et correspondent à une illustration d’articles, de cours ou de conférences. Plus anecdotiques, on peut signaler également 3 bobines de films super 8 qui restent à visionner pour en connaître le contenu et 2 photographies sur plaques de verre représentant des papyrus conservés à la Bibliothèque nationale de France.
Richesse des contenus
Le fonds d’archives privées de Jean Vercoutter couvre l’essentiel de la carrière scientifique et administrative de son producteur. Sa richesse tient aussi dans cette quasi-exhaustivité. Sans entrer dans le détail de chaque document, essayons de déterminer quels sont les principaux ensembles − intellectuels cette fois − qui composent le fonds.
Une carrière scientifique
Trois grands ensembles de documents de nature scientifique peuvent être distingués dans le fonds de Jean Vercoutter. Ils concernent chacun des trois pans de son activité :
- la fouille
- les publications
- les conférences et colloques
Les sites les plus documentés sont bien entendu ceux de Saï, Aksha et Mirgissa. Les documents les concernant sont composés de quelques carnets de notes prises sur la fouille. Ces derniers rassemblent des éléments sur le déroulé de la fouille, les activités quotidiennes mais aussi la gestion matérielle d’une campagne. Ils sont accompagnés pour Mirgissa de quelques fiches de matériel et pour Saï d’une prise d’empreinte d’un scarabée de cœur. De nombreux rapports préliminaires sont joints à ces dossiers. Les photographies de fouilles et d’objets viennent compléter cet ensemble. Tant que tous les négatifs ne sont pas tirés, il est encore difficile de se faire une idée précise de ce qui est inédit et de ce qui ne l’est pas. On peut citer quelques autres travaux qui bénéficient de documentation sur une fouille, même s’il sont moins importants en volume que ceux précédemment cités : Tod bénéficie d’un dossier sur les campagnes 1947-1948-1949, il existe quelques éléments également sur Dara (campagne du Louvre 1950-1951), on peut également noter des photographies de Balat (sans doute des doubles des clichés de l’IFAO).
Les dossiers des publications de ces fouilles, notamment Mirgissa, sont difficiles à distinguer des dossiers concernant la fouille, l’ensemble étant souvent rassemblé. Toutefois, d’autres publications de Jean Vercoutter font l’objet de dossiers à part. Deux sujets sont particulièrement représentés : celui de sa thèse L’Egypte et le monde égéen préhellénique et la question de la barrière de Semna avec plusieurs articles et de nombreux dessins, croquis, relevés et photographies. Pour ce qui est des ouvrages de synthèse, on peut noter deux ouvrages particulièrement bien représentés : L’Égypte et la vallée du Nil et À la recherche de l’Égypte oubliée, ouvrage de vulgarisation paru chez Gallimard. On retrouve également d’autres articles et publications, sous forme d’épreuves et/ou de manuscrits.
Enfin, les participations à différents colloques sont également bien représentées, avec souvent, les papiers de l’évènement, parfois ses propres notes et listes de diapositives. Citons, à titre d’exemple et sans valeur exhaustive : Les merveilles de Faras, Essen, 1969 ; Le peuplement de l’Egypte ancienne et le déchiffrement de l’écriture méroïtique, Le Caire, 1974 ; le 5e colloque du Groupe des méthodes physiques et chimiques de l’archéologie, Besançon 1985…
Une carrière administrative
Nombre des dossiers précédemment cités comprennent également des documents administratifs. C’est un pan important de ce fonds qui conserve une trace majeur du fonctionnement d’institutions dont Jean Vercoutter a été membre. Sa carrière ayant déjà été retracée ailleurs sur Insula, contentons-nous de signaler les fonds les plus importants en volume.
Le plus riche dossier concerne probablement son activité auprès du Soudan et de l’Unesco pour la préservation des monuments soudanais. Outre des rapports, nombreux, sur la création du service des antiquités du Soudan et les rapports des Surveys qu’il a pu effectuer, on note également la présence de quelques documents sur la campagne de préservation des temples de Nubie lors de la construction du barrage d’Assouan. Son activité auprès de l’UNESCO a également fait l’objet d’une participation à un projet éditorial sur l’histoire des civilisation et des cultures du monde.
Son activité comme directeur de l’Institut français d’archéologie orientale a également laissé de nombreux dossiers, en particulier consacrés aux commissions de l’IFAO et à l’attribution de missions. C’est en volume le second dossier le plus important. Enfin, l’Institut de Papyrologie et d’Égyptologie de Lille a également laissé des éléments administratifs divers, de même que la création du groupe archéologie soudanaise auprès du Centre de Recherches Archéologiques de Valbonne.
Une méthode et un homme
Il faut, pour terminer, évoquer un ensemble particulièrement important en volume se rattachant à la totalité de ce qui a été présenté jusqu’à présent : Jean Vercoutter a gardé tous ses fichiers. Il a constitué au cours de sa carrière un important fichier bibliographique, qui s’accompagne de fichiers thématiques, lexicaux… Ces fiches témoignent de la méthode de travail et de la façon dont il organisait sa prise d’informations. Certains ensembles doivent encore être reconstitués.
Sur fiches également, on trouve ses cours, ceux qu’il a donnés à Lille, rédigés et organisés par années, niveaux et disciplines. Si le corpus n’est pas complet, il est déjà très riche et constitue un matériau de premier plan pour comprendre sa manière d’enseigner.
Parallèlement, quelques documents plus anciens nous laissent percevoir la naissance de cette méthode avec un petit ensemble de documents datant de ses propres études : prises de notes, exercices de grammaire égyptienne suivant Gardiner, cours à l’École du Louvre… On retrouve déjà dans ces premiers travaux une organisation méticuleuse et un souci de la référence précise à retrouver, sans doute lié aux nombreuses petites notes sur papier volant disséminées un peu partout et qui laissent supposer que certaines informations, non classées, devaient parfois être difficiles à retrouver.
Il nous faut signaler un dernier ensemble constitué des documents de l’Institut. Il était membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et son activité au sein de cette institution a été intense : de nombreux dossiers lui sont consacrés, correspondances et préparations d’intervention, parmi d’autres.
Avec ces documents, c’est sans doute moins l’égyptologue qui apparaît que l’homme avec ses pratiques, ses habitudes, son mode de fonctionnement (citons par exemple son habitude de recopier les courriers qu’il envoyait ou de préparer la réponse sur les courriers de ses correspondants).
La suite du traitement
L’inventaire sommaire est une première étape qui a permis de juger de la richesse de ce fonds et de préparer sa mise à disposition pour le public. D’autres étapes sont encore nécessaires. Dans le courant de la prochaine année universitaire, un inventaire détaillé doit être établi pour permettre de décrire le plus précisément possible ce qu’il renferme afin d’en donner communication. Parallèlement, un travail d’identification des photographies et de préservation de ce fonds iconographique doit être entrepris.
Sur la carrière de Jean Vercoutter on pourra se reporter pour une première approche à : Christophe Hugot, « Les archives de l’égyptologue Jean Vercoutter données à Lille 3 », Insula [En ligne], mis en ligne le 21 septembre 2012. URL : <https://insula.univ-lille3.fr/2012/09/archives-jean-vercoutter/>. Consulté le 11 juin 2013.
Lire aussi sur Insula :
Sandrine Berthier, « Premier inventaire des Archives Vercoutter », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 12 juin 2013. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2013/06/12/premier-inventaire-des-archives-vercoutter/>. Consulté le 7 October 2024.