L’Antiquité au Musée Benoît-De-Puydt de Bailleul

À la redécouverte d’un Musée des Hauts-de-France.

Le Musée Benoît-De-Puydt de Bailleul − labellisé Musée de France − a vu le jour en 1861 suite au legs consenti à sa ville natale par un riche collectionneur, Benoît De Puydt. Pour présenter cette très riche collection, conservée dans une maison d’architecture néo-flamande, nous avons choisi de mettre en exergue les œuvres inspirées de l’Antiquité.

Ce billet a été écrit à plusieurs mains : Chantal Brame, Aurélie Hécart, Godeleine Valdelièvre, Hedwig van Hemel ont vérifié et enrichi les paragraphes consacrés à la présentation du Musée ; elles ont également fourni une riche documentation photographique. Qu’elles soient chaleureusement remerciées pour leur générosité et leur grande disponibilité. Cyrille Ballaguy a apporté sa contribution au paragraphe sur la mythologie gréco-romaine dans les collections du Musée. Séverine Clément-Tarantino a coordonné l’ensemble et rédigé la partie consacrée au cabinet italien qui donnera lieu à un second billet d’Insula.

Le Musée Benoît-De-Puydt

C’est, à l’origine, une maison de collectionneur, qui se trouve à Bailleul (au 24 de la rue qui porte le nom du musée), à l’intérieur d’une bâtisse bourgeoise, d’architecture néo-flamande. Le musée est ouvert en 1861, comme l’école de dessin, suite au legs fait par Benoît De Puydt à sa ville natale.

Benoît De Puydt était un greffier de justice, par ailleurs passionné d’art : il collectionna un important ensemble d’objets d’art, témoins de la culture flamande du XVe au XIXe siècle, mais aussi, plus largement, de l’art européen, ainsi que de la porcelaine de la Chine et du Japon.

Après la création du musée, des donations d’artistes et d’amateurs sont venues enrichir la collection, notamment des peintures de Pharaon de Winter et des gravures de Julien Deturck représentant l’école de Bailleul.

En 2016, des dépôts d’œuvres de César Pattein, de Blanche Hoschedé-Monet ou encore de Pharaon De Winter et des dons de l’Association des Amis du Musée de Bailleul et de collectionneurs privés (peintures, céramiques, estampes, mobilier…) enrichissent le musée de 164 œuvres.

En 2017, 155 ans après son ouverture, le musée Benoît-De-Puydt édite son tout premier catalogue : Une maison de collectionneur / Het Huis van een Kunstverzamelaar. Celui-ci regroupe l’ensemble des œuvres et objets de la collection permanente, nouvellement présentés depuis 2016.

Pourquoi aller au Musée Benoît-De-Puydt ?

Ce qui donne envie de voir et même de revoir le musée Benoît-De-Puydt, c’est la richesse de ses collections (qui mêlent sculpture, mobilier, arts graphiques, peinture, dentelle, céramique), avec des pièces particulièrement remarquables comme les cabinets dont nous allons ensuite parler plus précisément. Mais c’est aussi, et peut-être surtout, le charme du lieu et la qualité de l’accueil qui y est réservé au visiteur, jeune ou moins jeune. C’est un musée « ouvert » et aussi, dans la mesure de ses moyens, un musée de son temps. Il est possible de suivre l’actualité des manifestations organisées au musée (et il y en a régulièrement, en plus des rendez-vous annuels de plus grande envergure comme les Journées du patrimoine, le festival de musique au musée organisé aux mois d’avril-mai, la Nuit européenne des Musées en mai, etc.) sur une page Facebook dédiée et active. Sur place, la visite commence par une rencontre-surprise avec Benoît De Puydt lui-même, à qui une installation multimédia permet de s’exprimer de l’au-delà. De façon appréciable, dans chaque salle du musée, des fiches de visite et des boîtes de jeux sont mises à disposition du public. Enfin, le musée accueille régulièrement des expositions temporaires.

Bailleul musee

La place de l’Antiquité et de la mythologie gréco-romaine au sein du musée

La mythologie gréco-romaine est mise en avant au musée Benoît De Puydt − ce qui reste une démarche assez rare pour être remarquée − par la signalisation particulière d’une des salles du premier étage sur le plan-guide du musée : « La mythologie – cabinets, peinture, objets d’art décoratif ». Cette salle réunit en effet des œuvres qui sont autant de témoignages de l’importance dont l’Antiquité gréco-romaine jouissait depuis la Renaissance dans l’éducation et la culture.

Ainsi, on y trouve une copie de très bonne facture de la Médée furieuse d’Eugène Delacroix dont la plus célèbre version (datant de 1838) est exposée au Palais des beaux-arts de Lille. Un autre tableau accroché dans la salle représente Apollon chantant et jouant de la viole : l’œuvre, datée de la première moitié du XVIe s., est attribuée à David Vinckboons, peintre néerlandais surtout connu pour ses scènes de kermesses et ses peintures de paysages. Il s’agit moins de la représentation d’une histoire mythique particulière que d’une sorte d’allégorie, le beau dieu incarnant les arts et plus particulièrement la musique, avec sa sœur Diane et ses compagnes pour auditoire.

Copie de la Médée furieuse d’Eugène Delacroix
Copie de la Médée furieuse d’Eugène Delacroix – photographie Jacques Quecq d’Henripret

Outre les peintures, quatre plaques de coffret en émaux de Limoges (atelier de Pierre Reymond) présentent des sujets tirés d’Ovide : Narcisse, Apollon et Daphné, Apollon et Marsyas, Hercule et Nessus. Au XVIe s., Limoges était très célèbre pour ses ateliers d’émailleurs qui diffusaient sujets profanes et religieux dans toute l’Europe.

Une autre pièce remarquable est constituée par un petit groupe, également en faïence, provenant de l’atelier de Niderviller en Moselle et présentant un Enlèvement d’Hélène. Au sommet d’un navire de petite taille par rapport à celle des personnages, Hélène semble appeler à l’aide. Cette œuvre du XVIIIe s. a servi d’inspiration à l’artiste anglais Michael Kay qui, en 2012, a composé des œuvres en lien avec les collections du musée. Sa version de l’Enlèvement, exposée au rez-de-chaussée du musée, en reprend les protagonistes et montre ainsi les liens qui peuvent être faits entre art moderne et art contemporain.

Enlèvement d'Hélène - Atelier Niederviler
Enlèvement d’Hélène – Atelier Niederviler – photographie Jacques Quecq d’Henripret

L’Antiquité est aussi directement présente sous la forme d’une petite sculpture de bronze en ronde-bosse du Ier siècle ap. J.-C. La jeune femme en tunique qu’elle représente a été identifiée à la déesse Cérès.

On signalera encore :

  • un cartel − une pendule décorative − de style « Boulle » − du nom de l’ébéniste André Charles Boulle (1642-1732) − intégrant la représentation de Minerve et des trois Parques (ces figures sont en bronze doré), XVIIe s. (époque de Louis XIV);
  • un bas relief « Wedgwood » en biscuit de la deuxième moitié du XVIIIe s., représentant une scène d’offrande par des jeunes femmes1;
Bas relief « Wedgwood » (XVIIIe s.) - Musée Benoît-De-Puydt
Bas relief « Wedgwood » (XVIIIe s.) – Musée Benoît-De-Puydt – Photographie Jacques Quecq d’Henripret
  • un bas-relief en laiton représentant Vénus et l’Amour, XVIIe s.;
  • un bas-relief en bronze, identique au précédent, mais fixé sur un cartel de style Boulle, XVIIe siècle;
  • une gravure de Julien Deturck, d’après une peinture d’Alexandre Cabanel, intitulée Nymphe enlevée par un faune, et datant du XXe s. Julien Deturck est le fondateur, en 1900, de la Société Septentrionale de gravure dont le but était de « de populariser, par la gravure et la lithographie, les richesses artistiques de la région septentrionale de la France »;
  • une bouche de fontaine en fonte représentant Pan et datant des XVIIIe-XIXe s.;
  • trois ornements sculptés à jour en bois de poirier avec la tête de Diane, du XVIIe siècle, exposés ensemble ou non : la tête de Diane, qui est reconnaissable au croissant de lune sur son front, repose sur deux tiges garnies d’acanthe en spirales;
Tête de Diane - bois de poirier (XVIIe s.) - Musée Benoît-De-Puydt
Tête de Diane – bois de poirier (XVIIe s.) – Musée Benoît-De-Puydt – Photographie D. Coulier
  • une peinture (huile sur bois) représentant Le temple de la Sibylle à Tivoli. Le tableau est daté de la première moitié du XVIIe s. et a été attribué à Willem II Van Nieulandt (1560-1626), un artiste qui a cherché à diffuser par la peinture et la gravure les modèles de paysages italianisants avec lesquels il s’était familiarisé lors de son apprentissage à Rome.
Temple de la Sibylle à Tivoli – Musée Benoît-De-Puydt
Détail de « Temple de la Sibylle à Tivoli » attribué à Willem II Van Nieulandt – Musée Benoît-De-Puydt

Les sept « cabinets » et les Métamorphoses d’Ovide

Enfin, parmi les œuvres d’importance de ce musée, il faut faire une place à part aux sept « cabinets »», des meubles qui pouvaient constituer la version réduite des « cabinets de curiosités » apparus à la Renaissance2. Ils sont en chêne plaqué de palissandre pour l’un, d’ébène pour les autres, ornés d’écaille, de laiton, d’ivoire ou de scènes mythologiques peintes ou gravées pour trois d’entre eux. Sur ces trois, deux sont d’origine flamande et peuvent être rapprochés d’autres cabinets sortis, au XVIIe siècle, d’ateliers anversois : de ces deux cabinets de tailles différentes, le « grand » (160x104x43,5cm) a fait le bonheur du Musée du Louvre-Lens où il a été exposé entre 2015 et 2016 lors de l’exposition consacrée aux Métamorphoses d’Ovide. Les scènes qui l’ornent sont visiblement tirées des Métamorphoses et ont presque toutes pu être identifiées3.

Cabinet flamand - XVIIe siècle - Musée Benoît-De-Puydt - photographie Philippe Bernard
Cabinet flamand – XVIIe siècle – Musée Benoît-De-Puydt – photographie Philippe Bernard

Le « petit » cabinet a moins retenu l’attention : ses scènes proviennent également des Métamorphoses d’Ovide, mais telles qu’elles avaient été illustrées par d’autres graveurs. C’est, de fait, majoritairement du côté des graveurs que l’on doit se tourner pour retrouver les modèles des scènes figurées sur ces meubles étonnants. Nous reviendrons bientôt sur le cas du « petit » cabinet flamand, après avoir considéré plus en détail celui du troisième cabinet remarquable de la collection : un cabinet italien du XVIIe siècle encore, qui sera l’objet du prochain billet d’Insula.

À suivre…

Pour en savoir plus

155 ans après son ouverture, le Musée Benoît-De-Puydt édite son premier catalogue : Une maison de collectionneur / Het Huis van een Kunstverzamelaar. En vente sur place

Une maison de collectionneur / Het Huis van een Kunstverzamelaar
Une maison de collectionneur / Het Huis van een Kunstverzamelaar
  1. Au début de la révolution industrielle anglaise, Josiah Wedgwood (1730-1795) crée la fabrique de céramique qui sera mondialement renommée pour la finesse de sa porcelaine tendre et des pièces ornées de bas-reliefs à l’antique se détachant en blanc sur un fond coloré non émaillé (biscuit). []
  2. Sur les cabinets de curiosité, une ressource et un espace très précieux sont constitués par le site Curiositas. Nous espérons y faire figurer prochainement les cabinets de Bailleul. Un grand merci à Clémence Coget pour nous avoir fait découvrir ce site et ce projet. []
  3. Voir Métamorphoses, catalogue de l’exposition (sous la dir. de B. Gaudichon et L. Piralla HengVong), Tourcoing, 2015, p. 35-42. Une identification est cependant imprécise : celle de la scène peinte sur le deuxième tiroir de droite en partie du haut (Jupiter poursuivant une nymphe). Et pour la scène juste au-dessus, il est probable que, plutôt qu’un Apollon tuant une Niobide, il s’agisse d’Apollon tuant Coronis (voir par exemple l’illustration du sujet par Crispin de Passe. La même histoire figure parmi les scènes du « petit » cabinet flamand, sans doute d’après le modèle d’A. Tempesta : là aussi, on constate que l’élément discriminant, la corneille, a été laissée de côté par l’artiste). Tous les « originaux » ne sont en outre pas précisés dans le catalogue : il est question de Virgil Solis pour la scène montrant Narcisse à la fontaine, de Crispijn de Passe pour plusieurs autres scènes. L’atelier responsable des peintures est en revanche identifié dans cet ouvrage : il s’agirait de celui, situé à Anvers, d’Isaac van Oosten (1613-1661). Un travail remarquable sur le « grand » cabinet flamand et, d’ailleurs, sur d’autres œuvres présentées lors de l’exposition « Métamorphoses » du Louvre-Lens, a été fourni par des enseignants-formateurs en LCA de l’Académie de Lille ; ce travail est accessible sur le site académique disciplinaire Menapia. []

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Citer ce billet

Séverine Tarantino, « L’Antiquité au Musée Benoît-De-Puydt de Bailleul », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 10 mai 2017. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2017/05/10/antiquite-au-musee-benoit-de-puydt-de-bailleul/>. Consulté le 21 November 2024.