Un patrimoine architectural, ses coulisses et services à visiter.
La Bibliothèque universitaire centrale de Lille 3 a régulièrement l’occasion de mettre en lumière les richesses de son fonds patrimonial, comme ce fut le cas en 2011 avec l’organisation de deux expositions sur les « trésors du patrimoine dévoilés » à la Bibliothèque universitaire centrale et au Palais Rameau à Lille dans le cadre des Journées européennes du patrimoine. Cette année, à l’occasion des Journées européennes du patrimoine 2012, le samedi 15 septembre, le Service commun de la documentation de Lille 3 porte sur la bibliothèque un regard qui en fait elle-même un objet de patrimoine.
À l’heure où l’université Lille 3 est activement engagée dans un projet de rénovation et de restructuration devant aboutir à la création d’un Learning Center, c’est-à-dire une bibliothèque revisitée, modernisée, plus ouverte, le Service commun de la documentation de Lille 3 prend le temps de redécouvrir et de faire découvrir ce bâtiment exceptionnel de l’architecte Pierre Vago et d’ouvrir au public les coulisses de cet établissement conservant plus de 600 000 documents où travaillent 65 agents et une vingtaine de vacataires.
Plusieurs regards portés sur la Bibliothèque universitaire centrale
La Bibliothèque centrale de Lille 3 est d’abord un édifice qui s’inscrit dans l’ensemble architectural qu’est le Domaine universitaire du Pont de Bois, conçu par l’architecte Pierre Vago, ensemble dont la construction est intimement liée à l’histoire de la ville nouvelle de Villeneuve d’Ascq.
L’histoire remonte aux années 50 lorsque les vieux bâtiments universitaires des Facultés de Lille ne suffisent plus à accueillir un nombre d’étudiants toujours croissant. Le recteur Debeyre décide alors de construire hors de la ville de Lille, d’abord une cité scientifique, où les étudiants effectuent leur première rentrée en 1964 « au milieu des champs de betteraves », puis un nouvel ensemble juridique et littéraire sur le site du Pont de Bois, qui ouvrira ses portes en 1974.
La conception de l’ensemble universitaire du Pont de Bois tire déjà les leçons de l’éloignement, de l’isolement et de l’éparpillement reprochés au campus scientifique dont il est l’antithèse. « Autant celui-ci est dispersé, étendu, isolé, autant celui-là est ramassé, concentré, au contact immédiat d’un quartier ».1
Plus globalement, le constat est unanime : il faut favoriser l’intégration des étudiants à la vie urbaine dont on s’accorde à reconnaître la fonction pédagogique : il faut une ville à l’université.
La politique des villes nouvelles conduite par l’État à partir des années soixante pour absorber la croissance urbaine apparaîtra comme une réponse possible au problème de Lille-Est : « la ville nouvelle de Villeneuve d’Ascq n’est pas une ville nouvelle comme les autres. Elle est le résultat de la volonté de faire l’impossible pour associer les facultés à la ville » déclare Arthur Notebart, alors Président de la Communauté urbaine de Lille.
L’imposant ensemble littéraire et juridique bâti sur 22 hectares forme une « citadelle » massive, compacte, un ensemble minéral, organisé autour d’une vaste esplanade qui ouvre sur un parc circulaire de 5 hectares.
Il est divisé en parties fonctionnelles qui se distinguent par leur mode constructif :
- le restaurant et la bibliothèque sont les espaces communs qui assurent la transition entre la ville et l’université. Ils sont facilement identifiables par leurs façades en céramiques vernissées d’un ton beige clair ;
- les deux universités (il n’y en a plus qu’une aujourd’hui, après le départ en 1994 de l’Université Lille 2, pour le site de Lille Moulins dans le cadre de la requalification de ce quartier par la ville de Lille), organisées selon le même principe, sont elles mêmes subdivisées en trois éléments :
- les bâtiments d’enseignement et d’administration, dont les façades en béton brut de décoffrage qui accrochent la lumière et s’animent au soleil créent un sentiment d’unité ;
- les amphithéâtres, monolithes cubiques et aveugles conçus comme des sculptures, qui se calent en soubassement des bâtiments d’enseignement ;
- derrière, les bâtiments consacrés à la recherche, avec leurs façades au parement d’un ton terre cuite, reliés par des rues couvertes, séparés par des espaces plantés, s’organisent autour de patios.
Une bibliothèque dense, compacte, monumentale
Au milieu de cet ensemble, premier bâtiment visible en arrivant par la chaussée haute, la bibliothèque. Elle est à l’image et à l’échelle du campus : dense, compacte, monumentale.
Refusant la verticalité souvent associée aux bibliothèques et aux métaphores de l’accumulation du savoir, l’architecte a respecté un gabarit à ne pas dépasser pour l’ensemble du site en tirant parti de la déclivité du terrain. Le stockage des livres se fait donc dans un silo cubique de huit niveaux imbriqué dans le grand volume parallélépipédique de la bibliothèque dont les salles de lecture se développent autour d’un patio central.
Avec ses façades pleines, la bibliothèque impose un sentiment de retournement intérieur : tout doit contribuer à la concentration du lecteur, en n’offrant que peu de vues sur le forum.
Les coulisses de la Bibliothèque
À l’occasion des journées du patrimoine, les coulisses de la Bibliothèque seront ouvertes aux visiteurs. La visite s’attardera dans trois lieux :
- Le magasin de conservation des documents. Avec ses 26 km de rayonnages dont la structure porteuse traverse les huit niveaux, il stocke actuellement 19 kilomètres linéaires de documents, soit plus de 600 000 ouvrages et périodiques.
C’est au deuxième étage, l’étage « historique » de la bibliothèque, celui qui renferme les documents les plus anciens, hors réserve patrimoniale et hors fascicules de périodiques, que nous nous arrêterons.
Cet étage comporte encore les cotes anciennes, celles qui étaient en vigueur dans l’ancien bâtiment de la place Georges Lyon à Lille. Il reflète bien l’éclectisme et le souci pluridisciplinaire de la première université lilloise. Ce sera l’occasion de découvrir des ouvrages remarquables comme des reliures anglaises, des catalogues des Expositions universelles de 1896 et 1900, ou encore le fonds de la « Buchhandlung », la bibliothèque de la garnison allemande à Lille pendant la seconde guerre mondiale.
- La visite de la salle d’équipement et de reliure de la bibliothèque sera l’occasion de présenter les techniques de reliure et de réparation des ouvrages, et les savoir faire des magasiniers de la bibliothèque. Reliure en parchemin, fil de lin, mousseline, scalpel et colle de riz n’auront plus de secret pour vous.
- Enfin, nous vous ouvrirons les portes d’un endroit insolite et méconnu : la centrale de traitement de l’air de la Bibliothèque universitaire centrale.
C’est l’une des treize sous-stations de chauffage de l’université, et elle assure le traitement de l’air des salles de lecture et des 9 500 m3 du magasin. La question du climat dans un magasin de conservation est particulièrement complexe à appréhender et à contrôler. Les conditions ambiantes doivent être adaptées à la nature des collections et leur stabilité est capitale. Où il sera question d’humidité relative, de surpression et de point de rosée…
À travers cette visite, les « guides » espèrent faire découvrir des aspects méconnus de la Bibliothèque universitaire centrale de Lille 3 et mettre en lumière un bâtiment encore trop souvent associé à son image de vétusté.
Informations pratiques
Bibliothèque universitaire Centrale de Lille 3
Domaine Universitaire du Pont de Bois à Villeneuve d’ascq. Y aller.
Visites guidées : 9h, 10h, 11h, 13h, 14h, 15h, 16h. (Durée : 45 min.)
Sur réservation uniquement auprès de l’Office du tourisme au 03.20.43.55.75
ou par mail à constance.bienaime@univ-lille3.fr
La visite de 14h00 sera traduite en langue des signes.
Programme de la Journée européenne du patrimoine à Lille 3 : voir le site.
En savoir plus
Guy Baudelle, Epale, Villeneuve d’Ascq, ville nouvelle, un exemple d’urbanisme concerté, Ed du moniteur, Paris, 1984.
Séminaire « Architecture et communication », Villeneuve d’Ascq, ville nouvelle, Ecole d’architecture de Lille et Region Nord-Pas-de-Calais, 1996.
Bénédicte Lefebvre, Michel Rautenberg, Utopies et mythologies urbaines à Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 2010.
Pierre Vago, Une vie intense, éditions Archives d’Architecture Moderne, 2000.
Ana Bela De Araujo, Bonn 1954/76, Berlin 1955/57, Lille 1965/80 : trois opérations complexes de Pierre Vago : Pierre Vago et le fonctionnalisme, (mémoire) Ecole d’architecture de Nancy, 2000.
Christophe Hugot, « Il y a cent ans naissait Pierre Vago … », Insula [En ligne], mis en ligne le 30 août 2010. URL : <https://insula.univ-lille3.fr/2010/08/pierre-vago/>. Consulté le 11 septembre 2012.
- In Séminaire « Architecture et communication », Villeneuve d’Ascq, ville nouvelle, 1996, École d’architecture de Lille et Région Nord-Pas-de-Calais [↩]
Lire aussi sur Insula :
Anne Morenvillé, « Découvrir la Bibliothèque Centrale de Lille 3 », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 12 septembre 2012. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2012/09/12/decouvri-la-bibliotheque-centrale-lille-3/>. Consulté le 21 November 2024.
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