Une histoire de la Bibliothèque universitaire de Lille / 1.
L’édition dominicale de la Voix du Nord du 24 février 2013 évoquait la transformation prochaine du « quartier latin » lillois et l’arrivée de l’Institut d’études politiques de Lille dans les anciens locaux des facultés à l’horizon 2015. L’article cite le projet de réhabilitation du bâtiment de l’ancienne bibliothèque universitaire qui devrait recouvrer sa fonction initiale et être ouverte aux étudiants et au grand public.
C’est l’occasion pour le blog Insula d’évoquer l’histoire de l’ancienne bibliothèque universitaire du quartier Saint-Michel, située place Georges Lyon, actuellement Institut lillois de l’éducation permanente, par un feuilleton qui sera publié chaque vendredi sur le blog.
Les débuts de l’histoire de l’université de Lille sont marqués par la lutte mémorable qui oppose les deux villes de Douai et de Lille. Le 22 octobre 1887, le transfert à Lille des facultés douaisiennes de Droit et des Lettres est décidé et rendu officiel. Les universitaires doivent déménager rapidement, avant le 1er novembre. Le transfert des ouvrages de la bibliothèque universitaire1 donne lieu à des démêlés administratifs entre les facultés et la ville de Douai qui demande la vérification de l’origine de chaque ouvrage. Après pointage, on autorise le transport des ouvrages qui rejoignent alors différentes salles de la faculté des Sciences et de Médecine. Jusqu’en 1907, la bibliothèque universitaire est constituée de deux dépôts et s’accroît dans des logements provisoires. Les salles de lecture des deux dépôts sont ouvertes tous les jours non fériés de dix heures à midi et de deux à six heures.
La convention2 (entre la Ville de Lille et l’État) du 12 mars 1887 avait prévu la construction d’une bibliothèque municipale et universitaire juste en face de la Faculté des lettres. Alfred Mongy élabore les plans en 1890. Le chantier s’arrête très vite par manque de crédits.
Au cours de la séance du jeudi 2 mars 1893, les membres du Comité de la bibliothèque municipale située alors dans le nouvel Hôtel de ville construit à l’emplacement du Palais Rihour3, craignant pour l’indépendance de la bibliothèque, adressent une lettre au Maire de Lille4:
« La fusion des deux bibliothèques (…) est inutile, sinon dangereuse pour la Ville et peut-être aussi pour les Facultés. En effet, les besoins et les intérêts en jeu n’étaient pas les mêmes. L’organisation d’une bibliothèque universitaire diffère totalement d’une bibliothèque communale. (…) Il est préférable que la bibliothèque communale conserve sa situation actuelle et son indépendance (….) Il est désirable aussi qu’elle demeure au centre de Lille et à la disposition complète de tous nos concitoyens, d’autant plus qu’il est à craindre que cette Bibliothèque, qui a été formée non seulement à l’aide de subsides municipaux, mais aussi et en grande partie par des libéralités de bibliophiles ou amateurs lillois, ne vienne, à la suite du transfert proposé, à voir cette dernière source absolument tarie ».
L’arrêt très rapide des travaux entraîne en 1902 la nécessité d’une renégociation entre la municipalité lilloise et la direction de l’enseignement supérieur. Finalement, il est décidé de laisser la bibliothèque municipale à l’Hôtel de ville et de mener à terme la construction de la bibliothèque universitaire sur le terrain déjà réservé. La Ville de Lille participe à la dépense pour 50 %.
Le 5 mai 1907, Charles Bayet, recteur de l’Académie de Douai-Lille entre 1891 et 1896 et alors directeur de l’enseignement supérieur inaugure le bâtiment. La bibliothèque universitaire, séparée des bâtiments des facultés − fait assez rare à l’époque − est une des plus modernes de sa génération. D’une superficie de 1544 mètres carrés, elle peut abriter 500 000 volumes. La grande salle de travail, de forme elliptique, contient 120 places.
Lille est alors une grande ville universitaire avec en 1895, 1356 étudiants5 et 1700 étudiants à la veille de la première guerre mondiale. À titre de comparaison, Caen en compte à la même époque 800 environ et Clermont, 3006.
À suivre …
Isabelle Westeel
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2. La bibliothèque universitaire de Lille en 1909
- Jean-François Condette, La faculté des lettres de Lille de 1887 à 1945 : une faculté dans l’histoire, [Villeneuve d’Ascq], Presses universitaires du Septentrion, 1999, p. 44 et 56. Sur l’histoire de la Faculté des lettres : voir aussi l’exposition virtuelle sur le site du laboratoire IRHiS De la faculté des lettres à l’université de Lille 3 : l’histoire de l’université des origines à nos jours : 1562-2008 http://irhis.recherche.univ-lille3.fr/00-SiteUniversite/htdocs/index.html [↩]
- Jean Bleton, « Les bâtiments » dans Histoire des bibliothèques françaises. T. 3, Paris, Promodis/Ed. du Cercle de la librairie, 1991, p. 180-237 ; en particulier pour Lille p. 223-224. [↩]
- Le nouvel Hôtel de Ville, construit par l’architecte Charles Benvignat est inauguré le 13 janvier 1850. Le musée et la bibliothèque sont logés au second étage des services municipaux. [Bibliothèque municipale de Lille, ch. 1-2. Plans et coupes de l’hôtel de ville. http://numerique.bibliotheque.bm-lille.fr/sdx/num/planche_1-2/ch1-2_000r_?format=jpg] Les collections du Musée y restent jusqu’en 1892, année de l’inauguration du Palais des Beaux-Arts dans le Jardin de la République. [↩]
- Isabelle Westeel, « Histoire de la bibliothèque municipale de Lille » dans La bibliothèque municipale de Lille fête les 40 ans de la médiathèque Jean Lévy, coord. Par Didier Queneutte et Isabelle Westeel, Lille, Médiathèque Jean Lévy, 2005, p. 33. [↩]
- Jean-François Condette, La faculté des lettres de Lille de 1887 à 1945… p. 121. [↩]
- Jean Bleton, « Les bâtiments…, p. 224. [↩]
Lire aussi sur Insula :
Isabelle Westeel, « Origine de la Bibliothèque des Facultés de Lille », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 8 mars 2013. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2013/03/08/origine-bibliotheque-facultes-lille/>. Consulté le 21 November 2024.
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