Rien de plus gratuit qu’un ruban qui enveloppe son cadeau, avec une attention un tant soit peu surannée mais délicate, ruban qu’on oublie sur la table pour se réjouir du présent. Tournons-nous donc vers le passé, et accordons quelque attention à ce mot.
À l’origine de « ruban »
D’après les savants, « ruban » viendrait d’un « riban » – très proche de l’anglais « ribbon » – attesté au XIVème siècle, lui-même issu de « ringhband », qui viendrait du néerlandais et qui signifiait alors « collier ». Ce composé associait alors « ring », qui désigne un objet circulaire et « band », qui désigne un long morceau de tissu, et dont on trouve un mot de la même famille en français, « bande ». Le flamand a gardé une trace de ces origines, dans le mot « ringband » qui désigne la cravate.
Deux racines indo-européennes prolifiques
La première partie du mot s’appuie sur la forme germanique d’une racine indo-européenne reconstituée, à savoir *sker, à l’origine d’une vaste famille de mots, que nous utilisons au quotidien, avec l’idée toujours sous-jacente de circularité. Ainsi, sans entrer dans le détail, selon la nasalisation de la racine, son allongement ou les suffixes qu’elle va recevoir, *sker est à l’origine de mots comme ranch, la ferme des garçons vachers (qui viendrait de l’ancien français « se ranger », au sens de « se loger »), comme les mots sur la racine latine curvus, qui désigne la courbe (« incurvé », « courber », « courbature »), comme ceux construits sur la racine latine crinis, la chevelure, depuis le « crin » jusqu’à la « crinoline », ceux sur la racine latine crispus, « frisé », à l’origine de « crépu », mais aussi « crêpe » ou « crépir » ou encore crista, la crête (mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, le mot « cristal » ne vient pas de cette racine mais de τὸ κρύος, to kruos, le froid)… Le développement grec de la racine est tout aussi fécond, avec les mots qui descendent du nom ὁ κίρκος, ho kirkos, le cercle, et ceux qui proviennent de l’adjectif κορωνός, korônos, qui qualifie tout ce qui est recourbé.
La seconde partie du mot s’appuie sur la racine indo-européenne *bhendh, dont les développements sont aussi fertiles ! L’idée de lien est commune à tous ces mots, depuis ligare, lier, en latin jusqu’au grec τὸ πεῖσμα, to peisma, l’amarre, ou ὁ πενθερός, ho pentheros, qui désigne toute personne qui contracte un lien de famille par alliance, et donc le beau-père ou le gendre, ou le beau-frère, selon le contexte. Mais cette racine apparaît aussi dans un mot devenu commun, le « bandana », carré de tissu imprimé qui sert de foulard, dont l’origine est le sanskrit bandhati, qui désigne le lien.
Notre ruban est sans doute plus riche qu’il n’y paraît et notre parcours ne fut que sémantique ; il aurait pu convoquer bien d’autres références, depuis la symbolique de la couleur des rubans, jusqu’au ruban de Moebius, qui passionne les scientifiques, en passant par le « petit ruban couleur rose et argent » de Mademoiselle Pontal, qui tenta Rousseau (Confessions, livre II).
Pour en savoir plus
Dictionnaire historique de la langue française, sous la direction d’Alain Rey, nouvelle édition, Paris, 2010.
The Amercian Heritage® Dictionary of the English Langage
Lire aussi sur Insula :
Marie-Andrée Colbeaux, « Ruban », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 9 décembre 2010. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2010/12/09/ruban/>. Consulté le 21 November 2024.
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