À propos de l’ouvrage de Catherine Blain et Victoria Pignot, La bibliothèque universitaire de Lille 3 : un nouveau « Learning center » ?, (Les dossiers du Lacth ; 1) Ensap, 2017.
L’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille a publié en 2017 un volume restituant un atelier réalisé par les étudiants en master d’architecture autour du bâtiment de la Bibliothèque universitaire du site Pont-de-Bois (Villeneuve d’Ascq) de l’Université de Lille. Avec ce compte rendu, Insula poursuit son évocation des lieux de savoir de la métropole lilloise.
L’intérêt pour l’architecture du campus Pont-de-Bois de l’Université de Lille n’est plus à démontrer dans Insula. En effet, en 2010 nous avions inauguré notre blog par un billet concernant son principal architecte : Pierre Vago. Ce billet, cité dans la publication que nous nous proposons de présenter ici, avait été suivi d’autres qui, en particulier, s’intéressaient au bâtiment de la Bibliothèque universitaire.
La bibliothèque universitaire de Lille 3 : un nouveau « Learning center » ? est le premier numéro de « Dossiers » réalisés par le Laboratoire de l’école d’architecture et de paysage de Lille. Constituée de 70 pages, la publication est divisée en trois parties. La première (p. 7-15), intitulée « Un édifice, un atelier », trace les enjeux du bâtiment étudié et présente les attendus relatifs à l’atelier des étudiants ; la deuxième partie, « Sources et richesses d’un projet moderne » (p. 16-45) détaille le programme architectural ; la troisième partie, « Analyses et projets de transformation », donne une large place à l’atelier et aux projets des étudiants (p. 46-69). Il est heureux que l’architecture de la Bibliothèque universitaire ait suscité le regard avisé d’une architecte (Victoria Pignot) et d’une enseignante (Catherine Blain) de l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille et que nous puissions disposer aujourd’hui de la restitution de leur enquête qui permet de retrouver l’ambition initiale du projet architectural, mais également d’avoir le rendu de propositions de leurs étudiants de l’Ensap visant à exploiter les potentialités d’un bâtiment quadragénaire.
Du projet de 1968 à 2017
La ville de Villeneuve d’Ascq s’est construite à partir de villages existants, et autour de deux nouveaux campus universitaires. Après la construction de la Cité scientifique, future Lille 1 (1959-1966), est lancée l’implantation de la Faculté des sciences humaines, langues, lettres et arts (future Lille 3) et de la Faculté de Droit (future Lille 2). Ce vaste projet est confié aux architectes André Lys et Pierre Vago en 1964. Les études préliminaires sont finalisées en 1968. À l’appui d’une maquette (représentée p. 19), de plans et schémas (p. 22), les architectes peuvent rédiger une Note introductive que la publication a l’excellente initiative de reprendre in extenso (p. 17-18). L’état d’esprit du projet y est clairement indiqué :
« Notre université doit être, et sera, une université intégrée aussi étroitement et organiquement que possible dans la Vie et dans la Cité. Ce sera, en outre, un lieu de contacts, de rencontres, de débats et de recherche, et le cadre physique doit faciliter, susciter presque, l’accomplissement de cette mission ».
Au sein du campus Pont-de-Bois, lequel réunit tout ce qui est nécessaire à une vie universitaire (bâtiments de cours, de recherche, amphithéâtres, administration, restaurant, …), se dresse la bibliothèque interuniversitaire, devenue bibliothèque de Lille 3 seulement après le départ des juristes en 1995. Cette bibliothèque, « reconnaissable par son revêtement de carreaux de grès beige clair, occupe une place centrale, jouant à la fois le rôle de bâtiment d’accueil et de fond de scène à la grande place du campus : forum de 5000 m2 ouvert en esplanade sur le parc de quinze hectares situés au nord » (p. 7).
L’ensemble est achevé en 1974. Ou, plutôt, la première étape est finalisée pour la rentrée universitaire 1974. En effet, d’autres phases de constructions étaient prévues, qui ne virent pas le jour. Le lecteur non familier du dossier du projet architectural sera donc sans doute surpris de découvrir que la bibliothèque devait être beaucoup plus grande qu’elle ne l’est aujourd’hui. Le magasin actuel devait en effet être entouré par deux autres bâtiments qui ne furent jamais construits.
Demain ?
La bibliothèque a vieilli. Les magasins, en particulier, sont devenus obsolètes. L’agencement des espaces ne correspond plus aux pratiques documentaires actuelles et aux usages d’apprentissage désormais sollicités par les étudiants. D’importants travaux sont donc à prévoir. À partir de 2010, est ainsi née l’ambition de transformer la Bibliothèque universitaire en Learning center. Ce projet entra dans le contrat de plan État-Région (CPER) signé en 2015. Nous ne reviendrons pas ici en détail sur ce dossier, qui fit l’objet de plusieurs billets publiés sur Insula. Résumons seulement, avec Victoria Pignot, ce qu’est censé être un Learning center : « un lieu d’apprentissage, de recherche, de formation, mais aussi un lieu de vie sociale et culturelle ouvert sur la ville » (p. 13).
L’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille, qui ne se trouve qu’à quelques centaines de mètres du site universitaire de Pont-de-Bois, ne pouvait qu’être sensibilisée au devenir de la bibliothèque « de Lille 3 ». « L’intérêt architectural de cet édifice et de l’ensemble du campus Lille 3, doublé de se saisir d’un programme d’actualité, ainsi que la dimension critique qui l’accompagnait » ont incité les enseignants à choisir la Bibliothèque universitaire de Lille 3 comme sujet de projet du Cycle Master de l’Ensapl en 2015-2016. Les étudiants furent donc mis dans la situation de concevoir un projet architectural pour une rénovation de la bibliothèque en Learning center en tenant compte de la présence du bâtiment actuel, les contraintes du terrain, et en répondant à un programme détaillé (p. 55).
Les étudiants de l’Ensap, après avoir pu s’enrichir de discours théoriques, d’études du dossier des architectes, de visites de la Bibliothèque universitaire du site Pont-de-Bois ainsi que de bibliothèques emblématiques de la modernité, ont pu proposer différentes options. Sept projets sont ainsi présentés dans le dossier (p. 56-69) qui cherchent tous à s’harmoniser avec respect avec le bâtiment de Pierre Vago. Victoria Pignot relève en effet toute la potentialité de flexibilité offerte par la structure de l’édifice (p. 47). Parmi les propositions, illustrées par des maquettes et des plans, mais aussi par une brève présentation, notons la problématique de l’accès au bâtiment, en particulier le lien de celui-ci avec l’avenue et l’espace vert environnant. Soulignons également les options pour faciliter la sérendipité, avec le choix d’une grande flexibilité entre les espaces. Un travail sur la lumière naturelle a été réalisé, en particulier en augmentant la taille et le nombre de fenêtres, en soulevant la couverture du patio. Si les étudiants ont cherché à travailler en respectant le plus possible l’architecture initiale, le magasin actuel, jugé obsolète au vu des normes de conservation, a été détruit et remplacé.
La publication reprend de larges extraits de l’ouvrage de Pierre Vago, Une vie intense, qu’il fit paraître en 2000 aux éditions Archives d’Architecture Moderne. Elle reprend aussi un texte que Richard Klein publia dans Les lieux du savoir, dont nous avions également fait le compte rendu pour Insula. Le propos de l’ouvrage est abondamment illustré de photographies, cartes et plans, issus des archives du Fonds Vago de l’Institut français d’architecture, ainsi que de photographies de l’état actuel réalisées par l’atelier de l’Ensap. Cette généreuse iconographie, dont un choix avait déjà servi à une exposition consacrée à Pierre Vago sur le Forum du campus en 2011, ainsi que l’ensemble de témoignages permettent au lecteur d’avoir un large aperçu de l’évolution d’un bâtiment, de sa création jusqu’en 2017. Cet instantané servira de témoignage avant que la bibliothèque ne subisse d’éventuelles transformations majeures dans le futur, rendues nécessaires par les nouveaux usages de la documentation en université et le vieillissement du bâti. De nouvelles pages restent donc à écrire sur ce bâtiment emblématique du campus Pont-de-Bois.
Pour en savoir plus
Catherine Blain et Victoria Pignot, La bibliothèque universitaire de Lille 3 : un nouveau « Learning center » ?, (Les dossiers du Lacth ; 1) Ensap, 2017.
Tirée à 200 exemplaires, la publication n’est pas commercialisée mais on en trouve une version sur internet
Lire aussi sur Insula :
Christophe Hugot, « La bibliothèque universitaire du site Pont-de-Bois de l’Université de Lille : retour d’un atelier d’étudiants en architecture », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 2 février 2018. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2018/02/02/la-bibliotheque-universitaire-du-site-pont-de-bois-de-luniversite-de-lille-retour-dun-atelier-detudiants-en-architecture/>. Consulté le 26 December 2024.