Les Grecs et les Romains ont employé des mots très différents pour dire le mensonge, et Zeus sait combien ce type de discours a suscité leur intérêt.
Chez les Grecs
Mentir se dit chez les Grecs de l’Antiquité ψευδόμαι, pseudomai, qui apparaît de manière très évidente en français dans « pseudonyme », le « faux nom », et l’on remarquera que l’idée de mensonge, dans la mesure où cela s’oppose à la vérité, dérive vers l’idée de « faux », comme dans de nombreux mots composés avec cette racine. C’est que l’adjectif grec ψευδής, pseudès, signifie « menteur, trompeur » mais aussi « faux ». Or, les linguistes rattachent, de manière assez surprenante, cette famille à une racine indo-européenne qui désigne le souffle, et Jean Taillardat d’expliquer comment on passe, métaphoriquement, de « souffler », à « souffler du vent », « mentir ». Mentir serait comme prononcer des paroles inconsistantes, sans lien avec la vérité.
Chez les Romains
Le latin a emprunté le suffixe grec pour former une partie de son lexique relatif au mensonge – on pensera par exemple au Pseudolus de Plaute, l’esclave au nom signifiant – mais aucun verbe signifiant mentir n’est construit dans cette langue sur la racine grecque.
En revanche, il existe le verbe mentior, « ne pas dire la vérité, mentir », qui est directement à l’origine de notre « mentir », et qui se rattache au nom « mens », l’esprit, l’intelligence, la pensée, par opposition au corps. La racine de cette famille *men- est bien connue et s’illustre aussi en grec ancien μένος, menos, « l’esprit qui anime le corps, mais toujours comme principe actif », pour citer Pierre Chantraine. L’accent est dès lors porté sur la construction de l’esprit. Mentir, c’est alors construire un discours qui éloigne de la vérité.
On raconte aujourd’hui encore aux visiteurs de la Ville éternelle le rôle de la Bocca della verità, capable de discerner les menteurs. Pourtant, beaucoup d’obscurités dans cette légende. Certes, la plaque de marbre semble dater du premier siècle de notre ère, mais son usage reste mal défini : sans doute s’agissait-il d’une plaque d’égout qui présente la face d’un dieu. Là encore les propositions diffèrent : Océan, Triton, Neptune… En tout cas, un dieu lié au monde aquatique. Mais pas d’attestation antique de cette Bouche de la Vérité. Il faut ainsi attendre le XIIe siècle pour trouver une légende allemande (sic !) évoquant le sort de Julien l’Apostat dont la main avait été longtemps retenue par cette Bouche incarnant Mercure, dieu des voleurs et des commerçants…
Pour en savoir plus
Jean-Louis Perpillou, « De ‘couper’ à ‘insulter' », dans : O-o-pe-ro-si, sous la direction d’Annemarie Etter, Berlin, 1986, p. 72-84 [voir notice].
Jean Taillardat, « Images et matrices métaphoriques », Bulletin de l’Association Guillaume Budé 1977/4, p. 344-354 [voir notice du périodique].
Lire aussi sur Insula :
Marie-Andrée Colbeaux, « Mensonge ! », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 3 mai 2012. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2012/05/03/mensonge/>. Consulté le 21 November 2024.
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