L’actualité du Maghreb a montré combien l’immolation par le feu d’un vendeur ambulant a été décisive, tant est si bien que d’autres, voisins de la Tunisie ont espéré déclencher aussi leur révolution de cette manière. Que signifie précisément ce terme d’immolation ? D’où vient-il ?
Mola salsa
Le terme d’immolation vient directement du latin « immolatio » qui désigne ainsi une étape du sacrifice romain, au cours duquel on déposait sur le front de l’animal la « mola salsa », gâteau confectionné par les Vestales à partir de farine d’épeautre mêlée de sel. Ces ingrédients aux vertus purificatrices s’appellent « februa », précise Varron, au chapitre 6, 13 du De lingua latina, ce qui est à l’origine du nom du dernier mois de l’ancienne année romaine, notre mois de février, mois de purifications. Cet emploi de la farine est attestée dans des offrandes, par Plaute, par exemple, au vers 740 de l’Amphitryon, qui fait dire à Sosie qu’Alcmène aurait dû se méfier de sa nuit étrange, invoquer Jupiter, précisément, et lui offrir la farine mêlée de sel ou l’encens. Quant à Cicéron, il évoque cette farine que l’on déposait sur la tête du taureau, arrosée de vin, dans le traité Sur la divination, II, 16, alors qu’il répond aux interrogations qui portent sur l’absence de cœur remarquée chez ce bovin.
Moudre
La racine verbale de cette famille de mots est en latin « molo », moudre. Mola est d’abord le nom de la meule, puis du moulin, pour désigner finalement la farine. Le français a gardé de cette famille de nombreux mots. Les plus évidents sont « meule », » moulin », « moudre »-dont nous rappellerons avec plaisir la forme de subjonctif imparfait, que je moulusse-, mais aussi « meunier » (provenant d’un ancien molnier, celui qui possède un moulin) ou « molaire », formé sur l’adjectif « molaris » qui, associé à « lapis », la pierre, désignait aussi une meule. Moins évident est le terme d’émolument, qui désignait la somme payée au meunier pour moudre le grain.
La racine indo-européenne à l’origine de cette famille de mots semble bien identifiée, avec, comme sens premier, « écraser » . Elle se retrouve en grec ancien, avec le nom féminin ἡμύλη, hè mulè, la meule et tous ses composés, mais aussi dans les langues germaniques comme par exemple l’allemand der Müller, le moulin, devenu un anthroponyme.
Certains associent même le terme de « maelström » à cette famille, alors que d’autres proposent une étymologie qui lierait le mot au « tourbillon ».
Reste donc bien du grain à moudre.
Références d’auteurs anciens
Lire aussi sur Insula :
Marie-Andrée Colbeaux, « Du grain à moudre », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 10 février 2011. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2011/02/10/moudre/>. Consulté le 21 November 2024.