« Hadrien, empereur bâtisseur » : exposition à Saint-Jans-Cappel

Marguerite Yourcenar a souvent visité la Villa de l’empereur Hadrien, à Tivoli. Jusqu’au 30 novembre 2011, l’empereur est l’hôte du Musée Marguerite-Yourcenar à Saint-Jans-Cappel pour une exposition : « Hadrien, empereur bâtisseur ». Il s’agit là, dans le cadre du 60e anniversaire de la première publication de Mémoires d’Hadrien, d’illustrer par des panneaux la rencontre d’un empereur curieux, cultivé, bâtisseur, et d’un écrivain, voyageant, écrivant, construisant patiemment un roman. Nous nous sommes procurés le discours de présentation donné par Christine Hoët-Van Cauwenberghe, Maître de Conférences à l’Université Lille3, lors du vernissage de l’exposition.

Discours de présentation de l’exposition donné par Christine Hoët-Van Cauwenberghe Saint-Jans-Cappel, 17 septembre 2011

Mémoires d'HadrienMarguerite Yourcenar a vingt ans quand elle forme ce projet d’une biographie historique qui se révélera être l’œuvre de sa vie. Elle choisit la forme des « mémoires » pour deux raisons : elle peut le faire en employant la première personne et se mettre totalement dans la peau de son personnage et parce que l’empereur avait rédigé des mémoires aujourd’hui disparues.

Nourrie de culture classique, tant grecque que romaine, elle ne pouvait pas faire meilleur choix parmi les empereurs romains que celui d’Hadrien, empereur de l’apogée de l’Empire romain, esthète, philosophe, philhellène, grand voyageur, empereur archéologue, féru d’histoire, bâtisseur, dont la vie se prête par ses tourments et ses joies à une peinture littéraire haute en couleurs.

Portrait de l’empereur

Comment brosser en quelques mots le portrait de ce prince qui a fasciné Marguerite Yourcenar ?

Hadrien est un aristocrate romain, originaire d’une colonie installée en Hispanie, Italica, il est parent de l’empereur, mais c’est avant tout un Romain cultivé et à cette époque cela signifiait être parfaitement cultivé en latin comme en grec. Il écrivit même des poèmes. Il était appelé par les Grecs « philhellène », appréciant et protégeant les intérêts des Grecs, leur culture. Il eut aussi des détracteurs qui l’appelaient avec mépris Graeculus, « le petit Grec ». Il fit d’ailleurs une partie de ses études à Athènes et la passion qu’il eut pour cette ville fut réciproque, il devint archonte de la cité en 112. Cette passion est commune à Marguerite Yourcenar qui maîtrise le latin et le grec ancien, mais aussi le grec moderne. Elle fait dire à Hadrien, mais l’on sent la communion de pensée :

« Athènes immédiatement me conquit ; l’écolier un peu gauche, l’adolescent au cœur ombrageux goûtait pour la première fois à cet air vif, à ces conversations rapides, à ces flâneries dans les longs soirs roses, à cette aisance sans pareil dans la discussion et la volupté ».

Hadrien est un empereur qui se distingue aussi par son souci de bien connaître son empire et il y consacre deux grands voyages provinciaux en 121-126 puis en 131-134. Il y va pour gérer au mieux et inspecter les provinces, et il en profite pour renforcer les frontières de l’Empire, en particulier avec la construction du fameux « mur » que l’on peut encore voir au nord de la Grande-Bretagne. Sa politique de paix ne l’empêche pas d’avoir à réprimer une révolte juive née sans doute de son désir de construire sur l’emplacement de Jérusalem détruite par l’empereur Titus une ville romaine.

Hadrien, l’empereur bâtisseur

Parmi les figures de cet empereur, celle qui est mise en évidence aujourd’hui et pour cette exposition est celle du bâtisseur. Elle se caractérise de plusieurs façons :

  • Hadrien avait des talents d’architecte et a dessiné les plans de nombreux monuments, affectionnant en particulier les coupoles, ce qui lui valut les moqueries de l’architecte Apollodore de Damas qui avait travaillé pour son prédécesseur Trajan ;
  • il fonda des villes, comme Alexandre le Grand et comme bon nombre de ses prédécesseurs romains ;
  • il construisit ou reconstruisit de nombreux édifices publics comme le temple de Vénus et de Rome ou le célèbre Panthéon, jadis bâtit par Agrippa le lieutenant et gendre d’Auguste qui avait été incendié à deux reprises (en 80 et en 100) ;
  • il restaura, termina, de très nombreux monuments dans tout l’empire et sous différentes formes (prêt de soldats, d’ingénieurs, d’architectes, d’artisans, d’artistes, financement, remise d’impôts etc.) : à la gloire des dieux et de Rome, mais aussi des édifices que nous qualifierions « d’utilité publique » : des bains, des aqueducs, des bibliothèques…
  • il contribua à renforcer les frontières de l’empire.
Villa d'Hadrien © Ch. Hugot 2008
Villa d’Hadrien (Ch. Hugot)

et pour lui-même,

  • Hadrien se construisit une magnifique villa, visitée à plusieurs reprises par Marguerite Yourcenar : la villa Hadriana qu’il aménagea avec goût. La romancière lui fait dire : « La Villa était assez terminée pour que je pusse faire transporter mes collections, mes instruments de musique, les quelques milliers de livres achetés un peu partout au cours de mes voyages… » et un peu plus loin : « Aux heures d’insomnie, j’arpentais les corridors de la Villa, errant de salle en salle, dérangeant parfois un artisan qui travaillait à mettre en place une mosaïque ; j’examinais en passant un satyre de Praxitèle… » ;
  • un tombeau monumental digne de cette dynastie antonine : un mausolée, monumental comme le Grec Mausole à Halicarnasse, mais de conception italique avec un tumulus couvert de végétation et d’une construction fastueuse qui servit de tombeau dynastique (comme celui d’Auguste avant lui).

Il fut aussi un grand amateur d’art. Marié à l’impératrice Sabine avec laquelle il eut des relations tendues, il prit pour compagnon de voyage un jeune bithynien Antinoüs qui mourut noyé dans le Nil en 129. Pour honorer sa mémoire, il fit construire une ville sur les bords du Nil en Moyenne Égypte : Antinoupolis (Antinoé) et instaura un culte avec des concours (Antinoea). En réponse et en guise de consolation, de nombreuses cités de l’Empire dressèrent des statues du jeune homme, en particulier en Bithynie d’où il était originaire et en Grèce qu’il avait parcourue avec le prince. À Rome, Marguerite Yourcenar fait dire à Hadrien : « Je m’employais aussi à orner le cénotaphe élevé au champ de Mars à la mémoire d’Antinoüs, et pour lequel un bateau plat venu d’Alexandrie, avait débarqué des obélisques et des sphinx. » La mémoire de cet empereur n’a pas été oubliée par l’écrivain du XXe siècle et tous deux ont contribué à pérenniser la mémoire de l’autre…

En savoir plus

Exposition « Hadrien, l’empereur bâtisseur ».
Saint-Jans-Cappel, du 17 septembre au 30 novembre 2011
Voir le site du Musée Marguerite-Yourcenar.

Le site de la BSA propose une bibliographie consacrée à l’empereur Hadrien.

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Christophe Hugot, « « Hadrien, empereur bâtisseur » : exposition à Saint-Jans-Cappel », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 13 octobre 2011. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2011/10/13/hadrien-empereur-batisseur/>. Consulté le 21 November 2024.