À la veille de ses cinquante ans, Frédéric Loridant a disparu à l’issue des plusieurs vies qu’il menait de front. Sa vie d’archéologue fut tout aussi intense que sa vie de passion pour le rock et pour sa famille à laquelle nous portons toute notre sympathie.
Frédéric Loridant, comme il aimait le rappeler, avait débuté son cursus dans le génie mécanique ; il aimait la technologie, l’informatique (il était un fervent prosélyte de Linux) et cela le faisait s’investir sur le terrain ; il guidait les pelles mécaniques, résolvait les problèmes techniques et veillait à la convivialité.
Suivant l’enseignement de son maître, Roger Hanoune, la fouille ne trouvait son accomplissement que dans sa publication. Même les petites opérations méritaient aux yeux de Frédéric une note. La Revue du Nord les a pour la plupart publiées. C’est le site de Bavay qui a le plus bénéficié de son attention : le forum tout d’abord qu’il a largement ouvert, mais aussi plusieurs secteurs périphériques : rue des Clouteries, la « Maison de Retraite », le « lotissement de l’Epinette », la « RN49 » etc. Ces opérations touchaient de manière modeste le reste du département jusqu’à l’obtention de l’agrément d’archéologie préventive par son service ; dès lors, il intervenait avec ses collaborateurs sur toute la longueur du département du Nord, de l’Avesnois au Littoral, en passant par le Cambrésis.
L’Université de Lille où il a suivi les enseignements de Juliette de La Genière et de François Jacques notamment, et où il intervenait depuis peu, l’a sensibilisé à la période antique ; il était un des premiers membres de HALMA, lors de sa création par Arthur Muller. Par les fouilles bavaisiennes et son DEA sur les « Sablières », il s’est spécialisé sur l’artisanat, particulièrement sur la céramique, ainsi que sur le monde funéraire. Sa collaboration au projet européen « CRAFTS » animé par Michel Polfer l’a conduit à publier plusieurs synthèses. La céramologie le menait aux Congrès de la Société française d’étude de la céramique en Gaule. Il y a livré des communications originales notamment sur les « tire-lait » ou les « pots de chambre » ; président de séance, il créait les débats. En 2001, il reçut la Sfécag à Lille, congrès qui pour tous reste parmi les plus mémorables. La nécropole de « la Fache les Prés Aulnoys », les tombes privilégiées de Thérouanne, Cantin, Cambrai, en ont fait un fin connaisseur des pratiques funéraires de nos régions.
Chef du service archéologique du département du Nord, Frédéric y pratiquait ses convictions libertaires, faisant confiance à ses collaborateurs, croyant que de la liberté jaillit la science. Souvent persifleur, il se soumettait lui-même aux exigences de notre discipline. Nous perdons un enfant terrible de l’archéologie du Nord, mais nous en garderons toute la stimulation et la jubilation.
Lire aussi sur Insula :
Xavier Deru, « In memoriam Frédéric Loridant », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 6 mars 2012. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2012/03/06/in-memoriam-frederic-loridant/>. Consulté le 21 November 2024.
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