Entretien avec Xavier Deru.
La Société archéologique champenoise vient de publier son onzième volume dans la collection « Archéologie urbaine de Reims ». Cet imposant ouvrage est consacré à la céramique à Reims, de César à Clovis. Nous avons interrogé son auteur, enseignant-chercheur à l’université Lille 3.
Reims constitue une des premières villes de la Gaule romaine ; elle est chef-lieu de la cité des Rèmes et capitale de la province de Belgique. Un projet collectif de recherches vise la publication des fouilles d’archéologie préventive qui s’y déroulent régulièrement ; un autre projet portait sur la céramique romaine produite et consommée dans la région. Les productions ont fait l’objet de plusieurs monographies d’ateliers et d’une synthèse (Revue du Nord, 86 (358), 2004, p. 135-161) ; l’ouvrage paraissant aujourd’hui offre la synthèse du second volet : la caractérisation et la chronologie de la céramique dans la ville entre le milieu du Ier s. av. J.-C. et le Ve siècle.
Christophe Hugot : Ce volume présente un titre alléchant, bien que portant sur un domaine très technique : la céramique. Pour un non initié, ce qui étonne est la place du texte, très réduite, en rapport des très volumineux tableaux, planches et graphiques.
Xavier Deru : Beaucoup d’archéologues croient encore à une forme littéraire, inadaptée à leur documentation. À propos de la céramique, l’archéologue est avant tout un magasinier : ses pots doivent être bien connus, bien rangés, les inventaires fiables. En céramologie, nous sommes dans un discours économique et les phénomènes sont quantitatifs ; ils se lisent prioritairement par des graphiques. Toutefois, à l’issue d’une importante partie analytique, nous avons tiré des interprétations historiques, économiques et culturelles.
Christophe Hugot : Les chiffres semblent en effet fondamentaux dans cette enquête.
Xavier Deru : Dans ma thèse publiée il y a juste vingt ans, je regrettais le manque de données quantitatives1. Ici, en maîtrisant les outils typologiques et les protocoles, nous avons pu rassembler un corpus représentatif sur une longue période, de César à Clovis. En plus des techniques et des types, les quantités constituent une information historique.
Christophe Hugot : D’après mes souvenirs, la céramique sert surtout à dater les structures.
Xavier Deru : C’est effectivement une part fondamentale de la problématique. De ce point de vue, ce livre est un manifeste. La chronologie est construite dans une démarche descriptive, c’est le fait matériel − le mobilier et les contextes qui l’emprisonnent − qui est au centre de la démarche. C’est très proche des tessons, dans un dialogue avec les données de terrain, la stratigraphie, d’autres objets, notamment les monnaies, que l’on développe nos hypothèses.
Christophe Hugot : Au sommaire, on retrouve des noms connus, d’autres moins.
Xavier Deru : Tout travail archéologique est collaboratif. Sur les études de mobilier rémois, lorsque j’ai quitté l’Afan pour l’Université de Lille, j’ai pu confier mes dossiers et accompagner des personnes que j’avais formées : Amélie Corsiez, Guillaume Florent et maintenant Pierre Mathelart. Ensuite des spécialistes, comme Paul Tyers et Séverine Lemaître, ont renforcé l’équipe. Je dois être très reconnaissant aux archéologues de Reims, qui ont fait l’effort de comprendre notre démarche et qui l’ont totalement soutenue. Personnellement, je pense à Agnès Balmelle et à Philippe Rollet.
Christophe Hugot : Il est assez rare qu’un livre sur la céramique antique soit publié en quadrichromie, dans un format d’une telle qualité.
Xavier Deru : L’édition a été confiée à l’Institut national de la recherche archéologique préventive, qui a toutes les compétences et les moyens de mener à bien de tels défis. De plus, cet ouvrage s’intègre dans un Projet collectif de recherche animé par François Berthelot du Service régional de l’archéologie. Dans une collection dont notre ouvrage est le onzième numéro, le volume a bénéficié d’une charte graphique commune à tous les ouvrages d’« Archéologie urbaine de Reims ».
Références du livre
Xavier Deru
Durocortorum : la céramique, de César à Clovis
(Archéologie urbaine de Reims ; 11)
Société archéologique champenoise, 2015
Crédits photographiques et remerciements
Nous remercions Xavier Deru de nous avoir aimablement autorisé à reproduire les illustrations issues de l’ouvrage Durocortorum : la céramique, de César à Clovis.
- Xavier Deru, La céramique belge dans le nord de la Gaule : caractérisation, chronologie, phénomènes culturels et économiques, Louvain-La-Neuve, 1996. [↩]
Lire aussi sur Insula :
Christophe Hugot, « La céramique à Reims, de César à Clovis », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 7 avril 2015. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2015/04/07/la-ceramique-a-reims-de-cesar-a-clovis/>. Consulté le 6 October 2024.
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