Il y a quarante ans, du 23 au 25 mai 1975, l’université Lille 3 accueillait le 8e Congrès de l’Association des professeurs de langues anciennes de l’enseignement supérieur. C’est aussi à cette date que fut inauguré le musée de l’Institut de papyrologie et d’égyptologie de Lille.
Le Congrès de Lille
L’Association des Professeurs de langues anciennes de l’enseignement supérieur (Aplaes) est née en 1967. Cette association presque cinquantenaire organise, à l’occasion de ses assemblées générales, un congrès. Après Paris, Toulouse, Grenoble, Caen, Aix-en-Provence, Rennes, Paris, c’est l’université Lille 3 qui organise le 8e Congrès en 1975.
En 1975 : réforme du Collège et suppressions de postes dans le supérieur
Le programme de ce 8e Congrès comporte divers moments, dont certains sont classiques pour une association : discours inaugural, rapport moral et rapport financier, élection du bureau, vote de motions. Ce Congrès lillois est l’occasion d’interventions concernant l’enseignement des langues anciennes en France, mais également en Belgique. L’actualité du Congrès de l’Aplaes en 1975 est la réforme du secondaire en France et la place que doivent y tenir les langues anciennes. Le Congrès traite également de l’enseignement des langues anciennes dans le supérieur, alertant sur la suppression de postes.
Un congrès dans la nouvelle université de Lille 3
Dans son rapport moral, Yves-marie Duval, Président de l’Aplaes, remercie de nombreuses personnalités. En tout premier lieu, il dit toute sa reconnaissance à Pierre Deyon, Président de l’université Lille 3, qui a présenté l’université hôte et qui a « travaillé efficacement à nous bien recevoir dans ce que je n’oserai pas appeler un Campus ». L’université, récemment installée à Villeneuve d’Ascq, est alors un paquebot esseulé dans un champ de boue, comme en témoigne le court reportage que l’INA propose de visionner, montrant l’université en décembre 1975, ou plutôt ses alentours non encore construits.
Parmi les autres personnalités lilloises remerciées par le Président de l’Aplaes, citons René Martin, alors directeur de l’UER de Langues anciennes, les deux directeurs-adjoints de l’UER, Claude Meillier et Jean Naudou, mais encore Joseph Hellegouarc’h, « qui est venu avec constance attendre sur le quai de la gare tous ceux qui arrivaient par le train ».
La Papyrologie à l’honneur
Les Congrès de l’Aplaes sont presque tous le prétexte à écouter des communications savantes lors d’une journée scientifique. On a connaissance des interventions par la publication des Actes. L’université de Lille pouvant s’enorgueillir de posséder le premier Institut de papyrologie de France, le thème choisi par le congrès lillois porte sur la papyrologie. Claude Meillier prend pour sujet le P. Lille 82 (commentaire de Callimaque), l’un des fragments des Papyrus de Lille. Comme le rappelle Claude Meillier, ces fragments proviennent d’un cartonnage de momie rapporté par Pierre Jouguet lors de ces fouilles réalisées dans le Fayoum au début du XXe siècle1. Interviennent ensuite Jean Bingen, qui traite de papyrologie et épigraphie, Willy Peremans, sur la valeur historique des papyri, Claire Préaux et Jacques Schwartz traitant quant à eux de l’apport de la documentation papyrologique à la connaissance de la société du IIIe siècle av. J.-C., pour la première, et de celle de l’époque romaine, pour le second.
Les cinq interventions sur la papyrologie sont, pour reprendre l’expression d’Yves-Marie Duval, « le « quintette » papyrologique qu’avait composé J. Schwartz et qui avait été précédé par l’inauguration du musée égyptologique de la rue Auguste Angellier ».
Inauguration du Musée d’égyptologie
L’un des événements marquants de ce 8e Congrès de l’Aplaes est sans doute l’inauguration du musée d’égyptologie de l’Institut de papyrologie et d’égyptologie de l’Université Lille 3, dont on ne fera ici que retracer l’histoire à gros traits.
C’est en 1901 que Pierre Jouguet demande et obtient de Théodore Homolle, alors directeur de l’École française d’Athènes, la création d’un Institut de papyrologie à Lille. Créé officiellement fin 1902 par la Faculté des Lettres et le Conseil de l’Université de Lille, il est inauguré en janvier 1903.
C’est le produit de trois campagnes de fouilles dans le Fayoum de 1901 à 1903 qui forme le « Fonds Jouguet » de la collection lilloise, avec des masques de momies, plastrons − qui allaient fournir en 1974, après « dépiautage », deux-cents fragments de papyrus grecs et démotiques − ainsi que des objets de l’époque gréco-romaine (fragments de statuettes de faïence, vases rituels, amulettes, scarabées, etc) ou d’époques plus anciennes (des vases et une palette en schiste prédynastiques, un objet magique en ivoire datant du Moyen Empire égyptien).
L’Institut est alors installé dans les caves de la Faculté de la rue Auguste-Angellier à Lille avant, comme le souligne avec humour Jean Vercoutter, de gravir « peu à peu les échelons universitaires, de même que les escaliers »2.
La guerre de 1914 brise l’élan de l’Institut. Pierre Jouguet quitte Lille pour Paris. L’Institut se trouve alors sous les combles, en sommeil, jusqu’à l’arrivée de Jean Vercoutter comme Maître de conférences à Lille en octobre 1960. L’Institut redescend pour ne plus qu’occuper qu’une minuscule pièce, perdant son « laboratoire ».
Si la « momie de Lille » ne résiste pas à ces va-et-vient dans le bâtiment universitaire et se délite, le « Fonds Jouguet » est nettoyé, épousseté, classé. Il est également considérablement enrichi. Les fouilles de Jean Vercoutter au Soudan (Aksha, Mirgisa, Île de Saï) permettent en effet à l’Institut d’acquérir de nouvelles pièces attribuées légalement par les autorités soudanaises. L’apport du « Fonds Soudanais », de 1960 à 1974, est également complété par des achats de papyrus. En 1964, les collections de l’Institut sont présentées lors d’une exposition, pour laquelle un petit catalogue est réalisé par Jean Vercoutter.
Avec le départ de Lille 3 de l’ancienne Faculté des lettres de Lille pour le Campus Pont-de-Bois à Villeneuve d’Ascq, l’Institut peut se réorganiser dans les espaces laissés vacants. En 1975, assisté des Lillois Francis Geus, Brigitte Gratien et Florence Thill, Jean Vercoutter réorganise les collections. Afin de faciliter la visite, les objets sont accompagnés d’un sigle se rapportant à la description donnée par un petit guide rédigé par Francis Geus en mai 1975 : « A » désigne les objets préhistoriques (paléolithique à néolithique), « B » les objets égyptiens, « C » les objets nubiens. Le Musée est inauguré à l’occasion du Congrès de l’Aplaes et ouvert au public, comme l’indique le Guide des études 1976/1977 :
« L’Institut possède un MUSEE permanent, 9 rue Auguste Angellier, 59000 LILLE, ouvert au public. »
En 1979, l’importante bibliothèque personnelle de Jacques Vandier complète l’Institut. Le Musée reste installé jusqu’en 1982/83 rue Angellier à Lille, avant de rejoindre également le campus Pont-de-Bois à Villeneuve d’Ascq. En 2006, les pièces archéologiques de l’Institut lillois provenant du Soudan, du Fayoum et de Moyenne Égypte sont mises en dépôt au Palais des Beaux-Arts de Lille. Une partie de ces objets, en particulier ceux en provenance de Mirgissa, est présentée en 2014 dans l’exposition « Sésostris III, Pharaon de légende » au Palais des Beaux-Arts de Lille.
Retour au Congrès
Comme pour chaque congrès de l’Aplaes, le Congrès de Lille a ses moments de tourisme, de cérémonies et d’agapes. Les Congressistes visitent les fouilles de Bavay sous la pluie, « au retour d’une magnifique promenade en Belgique et dans Parc − et le musée − de Mariemont ». À la Mairie de Lille, ils ont le plaisir d’applaudir Anne-Marie Malingrey, « à la fin de sa longue carrière lilloise », Claire Préaux et Marcel Durry, tous trois recevant la médaille de la Ville de Lille.
À propos de l’Aplaes
Le prochain Congrès de l’Aplaes, le 48e, se tiendra à Besançon du 29 au 31 mai 2015.
- Voir le site de l’Aplaes : www.aplaes.org
Bibliographie sommaire sur l’Institut de papyrologie et d’égyptologie de Lille
Jean Vercoutter, Collections égyptiennes et soudanaises de l’Institut de papyrologie et d’égyptologie de Lille, Université de Lille, Faculté des lettres et sciences humaines, 1964.
Francis Geus, Égypte-Nubie : introduction aux collections de l’Institut de Papyrologie et d’Égyptologie, Institut de Papyrologie et d’Égyptologie de l’Université de Lille III, 1975.
« Inauguration de la Bibliothèque Jacques Vandier, rue Auguste Angellier à Lille », Revue du Nord, 1979, t. 61, vol. 243, p. 961-965.
Didier Devauchelle, « La collection de l’Institut de papyrologie et d’égyptologie de Lille (IPEL) », dans Fl. Morfoisse et G. Andreu-Lanoë (éd.), Sésostris III Pharaon de légende, Lille, 2014, p. 15-16.
Voir également : Christophe Hugot, « Les archives de l’égyptologue Jean Vercoutter données à Lille 3 », Insula [En ligne], mis en ligne le 21 septembre 2012. URL : <https://insula.univ-lille3.fr/2012/09/archives-jean-vercoutter/>. Consulté le 20 mai 2015.
- Choix d’objets de la collection de l’IPEL sur le site Global Egyptian Museum
- Ces papyrus littéraires ont déjà été l’occasion de billets publiés sur Insula. [↩]
- Jean Vercoutter dans « Inauguration de la Bibliothèque Jacques Vandier, rue Auguste Angellier à Lille », Revue du Nord, 1979, t. 61, vol. 243, p. 961-965. [↩]
Lire aussi sur Insula :
Christophe Hugot, « Mai 1975 : Congrès de l’Aplaes à Lille et inauguration du Musée d’égyptologie de l’université de Lille », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 20 mai 2015. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2015/05/20/mai-1975-congres-aplaes-a-lille-et-inauguration-du-musee-egyptologie-universite/>. Consulté le 21 November 2024.
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