Archéologue ? Écrivaine spécialiste en voyages ? Romancière ? Journaliste ? Musicienne ? Linguiste ? Collectrice de fonds ? Féministe ? L’article « Who was Amelia Edwards? » de Penelope Tuson, publié en juin 2015 sur le blog de l’éditeur Oxford university Press « OUPblog », brosse le portrait de cette femme hors du commun. La traduction française inédite publiée sur « Insula » est réalisée par Noémie Krol, étudiante en Master « Traduction Spécialisée Multilingue »-TSM, de l’Université Lille3.
Contrairement aux autres billets publiés par « Insula », les traductions issues de « OUPblog » ne sont pas publiées sous une licence en libre accès.
Étonnamment, peu de personnes ont entendu parler d’Amelia Edwards. Les archéologues la connaissent en tant que fondatrice de la Fondation pour l’exploration de l’Égypte, mise en place en 1882, et de la chaire d’égyptologie à l’University College de Londres, créée en 1892 grâce à un legs qu’elle a laissé à sa mort. Le premier titulaire de la chaire Edwards, Flinders Petrie, a été nommé sur les recommandations d’Amelia et son nom est toujours en lien avec la chaire d’archéologie égyptienne.
Vers la fin du XIXe siècle, Amelia Edwards a travaillé plus que quiconque pour susciter l’intérêt pour l’Égypte ancienne. En 1873, alors âgée de 42 ans, Amelia Edwards fit un voyage le long du Nil. Elle fut tellement ravie d’avoir fait des fouilles en amateur à Abou Simbel qu’elle retourna en Angleterre, déterminée à consacrer le reste de sa vie à promouvoir l’égyptologie en tant que discipline scientifique. Elle a fait des recherches sur le sujet et a étudié les hiéroglyphes en autodidacte. En 1877, elle a publié un long compte-rendu de son voyage, A Thousand Miles up the Nile, qui fut agréable à lire, et bien écrit d’un point de vue scientifique, et magnifiquement enrichi par ses propres illustrations peintes à l’aquarelle. Le livre a marqué un tournant dans l’écriture des livres de voyage des femmes en se concentrant sur le domaine traditionnellement masculin de l’histoire et de la recherche et en ignorant surtout la vie domestique des femmes, domaine dont Amelia a déclaré qu’elle n’avait pas vraiment eu l’occasion d’étudier.
En une décennie, Amelia Edwards s’était tellement spécialisée en Égypte ancienne qu’elle participait régulièrement à la rédaction de revues universitaires. Elle s’est également investie dans la recherche de fonds auprès de professionnels et d’amateurs pour les travaux d’excavation et pour la préservation systématique et rigoureuse des monuments. Elle avait une énergie et une endurance physique énorme ainsi qu’une certaine aisance pour s’exprimer en public, talent qui a été brillamment mis en avant en 1889 lorsqu’elle a entrepris une grande tournée de conférences aux États-Unis. Pendant cinq mois, elle a sillonné le continent, s’exprimant parfois devant des auditoires de plus de deux mille personnes. Quand elle s’est cassé le bras quelques heures avant une conférence à Columbus, elle a trouvé un chirurgien pour réduire la fracture et elle s’est rendue à l’événement. Elle a reçu trois titres de docteur honoris causa de la part des universités américaines.
Sans surprise, on se souviendra de la vie d’Amelia Edwards dans le contexte de l’archéologie. Cependant, elle était universelle. La traversée sur le Nil était un voyage qu’elle a entrepris à l’aube de la quarantaine alors qu’elle s’était déjà fait un nom en tant qu’écrivaine grâce au récit d’une randonnée organisée dans les Dolomites. Publié en 1873, Untrodden Peaks and Unfrequented Valleys est toujours l’un des meilleurs livres de voyage jamais publiés sur la région et met en lumière avec une pointe d’exubérance et de spiritualité la glorieuse beauté des montagnes ainsi que leurs communautés précédemment isolées. Contrairement aux Alpes, la région n’a pas été envahie par les touristes. Les occasions de dessiner, de jardiner et de faire de l’alpinisme étaient nombreuses. Vous pouviez même entendre des airs de Verdi, parfaitement interprétés dans une auberge de village par le ténor local. Pour Amelia Edwards, elle-même chanteuse de talent, c’était un plus.
À l’époque où elle a entrepris son voyage dans les Dolomites, l’égyptologue était déjà une célèbre romancière. Elle a écrit des articles, des poèmes et des histoires policières pour plusieurs revues dont celle de Charles Dickens, Household Words, et elle fut l’une des premières à apporter sa contribution à la revue mensuelle féministe English Woman’s Journal, lancée en 1858. Son best-seller, Histoire de Barbara, évoque la bigamie et l’infidélité, thèmes avant-gardistes mais néanmoins populaires de l’époque victorienne, tandis que son héroïne éponyme est une femme cosmopolite, fougueuse et érudite.
Amelia Edwards est devenue par la suite vice-présidente de la Society for Promoting Women’s Suffrage (association de promotion du vote des femmes). Elle est l’une des nombreuses femmes européennes aux multiples talents à avoir changé la nature des récits de voyage chez les femmes. Jane Dieulafoy, Ella Sykes, Isabella Bird, Lady Anne Blunt, et Gertrude Bell ont toutes réussi à leur manière à dépasser les limites conventionnelles du voyage féminin. Qu’elles soient mariées ou célibataires, elles n’ont plus accepté que leurs intérêts et leurs récits soient réduits à des sujets littéraires et domestiques afin de garantir la publication. Bien que leur attitude à l’égard de la campagne pour le suffrage des femmes diffère parfois, elles ont toutes revendiqué leur droit d’être prises au sérieux au sein du monde masculin de la science, de la géopolitique et de la diplomatie.
Archéologue ? Écrivaine spécialiste en voyages ? Romancière ? Journaliste ? Musicienne ? Linguiste ? Collectrice de fonds ? Féministe ? Amelia Edwards était plus qu’à la hauteur pour effectuer n’importe quelle tâche. Après sa mort, à l’âge de 60 ans, sa cousine, Matilda Betham-Edwards, a déclaré que, si elle avait vécu plus longtemps, Amelia aurait probablement laissé de côté l’égyptologie et se serait lancée dans un nouveau projet qui aurait eu autant de succès. « Qui peut savoir ? Elle se serait sûrement jetée à corps perdu dans les débats agités sur les droits des femmes… Non seulement elle avait l’étoffe d’un dirigeant puissant et d’un chef de parti, mais aussi de Premier ministre. »
Traduction réalisée par Noémie Krol,
étudiante du Master « Traduction Spécialisée Multilingue » – TSM, de l’Université Lille 3.
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Lire aussi sur Insula :
Penelope Tuson, « Qui était Amelia Edwards ? », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 21 février 2017. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2017/02/21/qui-etait-amelia-edwards/>. Consulté le 21 November 2024.