Compte rendu d’une journée d’étude à l’UVSQ.
Le 5 décembre 2013, l’UFR des sciences et la Direction des bibliothèques et de l’information scientifique et technique de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines dressaient, à l’occasion d’une journée d’étude, un premier bilan de l’activité de la nouvelle Bibliothèque des Sciences comme « Learning centre ».
C’est au travers de la présentation de réalisations concrètes que les organisateurs de cette journée ont démontré le rôle pédagogique que peut jouer un Learning centre au sein de l’université.
Le cartable numérique de l’UFR des Sciences
Penser une solution globale pour l’utilisation d’un ordinateur sur le campus : telle est l’idée du cartable numérique, projet technique et pédagogique initié par l’UFR des Sciences et présenté par Franck Quessette, maître de conférences en informatique. Ce projet intégrant la Bibliothèque universitaire (BU) à la mission d’enseignement part d’un triple constat : les salles informatiques sont peu occupées mais coûteuses en maintenance et en sécurité ; les étudiants sont de plus en plus nombreux à être équipés d’un ordinateur portable (100 % des étudiants en M2 informatique sont équipés d’un PC portable, 70 % des étudiants en M1 informatique et ¼ à 1/3 en L1 toutes filières) ; enfin la BU nouvellement construite offre opportunément des espaces de travail adaptés puisqu’une place sur deux y est câblée.
120 PC portables destinés au prêt ont été achetés par l’UFR des Sciences. Chaque package comprend une sacoche, un PC, un câble d’alimentation et un câble réseau.
En lieu et place des traditionnelles salles informatiques dédiées, des travaux de câblage ont permis d’équiper un amphithéâtre et douze salles de 32 à 40 places, également utilisables comme salles de cours ou de Travaux dirigés banalisées. Le câblage des salles (tables fixes, prises électrique et réseau à chaque place) représente l’investissement lourd du dispositif (15 000 à 20 000 € par salle), entièrement financé par la taxe d’apprentissage. L’ensemble du campus est par ailleurs irrigué en wifi. Enfin, la BU offre 134 places câblées, soit une place sur deux, en plus des PC fixes.
L’objectif pédagogique est de faire en sorte que chaque étudiant ou enseignant ait accès à un PC et un environnement identique partout. La solution logicielle doit donc répondre à la nécessité de proposer un même environnement à tous les utilisateurs du campus, qu’ils viennent avec leur propre PC ou qu’ils utilisent un PC de prêt. Elle repose sur la notion de machine virtuelle installée sur les PC de prêt ou téléchargeable et installable sur les PC personnels. Un ordinateur Windows ou Linux est émulé au-dessus d’un système d’exploitation Linux. Une réinitialisation est recommandée en début et en fin de session, permettant l’élimination des malware et garantissant la confidentialité des données par la suppression des données personnelles. Pour les logiciels sous licence, une solution à base de clé USB est utilisée : ces logiciels sont installés sur tous les PC portables de prêt et sont activables par clés USB prêtées dans la limite du nombre de licences disponibles.
Les bibliothécaires, en tant que professionnels du prêt, étaient à même de gérer la partie logistique du dispositif. 50 PC empruntables à la ½ journée sont déposés à l’accueil de la BU (ils ne doivent pas sortir du campus). Les PC sont catalogués comme des documents dans le SIGB et masqués au catalogue. Chaque appareil comporte un code barres. Les transactions sont rapides et l’obtention de statistiques est possible. Depuis le lancement de ce dispositif en février 2013 on comptabilise une centaine de prêts par jour en moyenne pour 50 PC. Le service est utilisé majoritairement par les étudiants en licence. On n’a eu à déplorer aucun vol, et peu de dégradations.
Chantal Merle, bibliothécaire, a exposé l’implication de la BU dans ce dispositif par le catalogage du matériel et l’accueil des utilisateurs. L’organisation du service au public à la BU doit notamment prendre en compte les pics de fréquentation le matin et à la mi-journée. En cas de rupture de stock à la BU, il est fait appel au parc de l’université. Le nombre de PC a été augmenté progressivement, l’idée étant d’arriver à un nombre suffisant pour répondre à la demande. Les personnels de la BU n’assurent pas de maintenance (la réinitialisation est faite par les utilisateurs, les mises à jour sont automatisées) mais la gestion et la manutention liées au prêt (contrôle du matériel au retour, veiller à faire rentrer tous les PC le soir avant la fermeture).
Au titre des évolutions possibles, la mise en place d’un « stockage intelligent » des PC (en armoires câblées, pour permettre le rechargement des batteries) et la gestion du prêt des logiciels sur clé USB par la BU sont à l’étude.
Qu’apporte la logique de guichet unique du learning centre ?
C’est par un retour d’expériences que Natacha Souarnec, conseillère d’orientation de la DRIP et Sophie Lentile, bibliothécaire ont tenté d’apporter des éléments de réponse.
Le principe de guichet unique consiste à regrouper différents services en un même lieu d’accueil du public. A la BU des Sciences, cela prend la forme de permanences régulières assurées par les services de la Réussite et l’insertion professionnelle (DRIP), et de l’Ecole doctorale (DREP Val) mais aussi de services installés à demeure : la Direction du patrimoine et de l’immobilier (DPIE) ainsi que la Direction des services informatiques (DSI) et le Centre de ressources en langues (CRL) disposent de bureaux dans le bâtiment. Si l’intérêt d’un guichet unique est évident pour le public, la cohabitation facilite aussi la collaboration entre services. L’élargissement des publics accueillis à la BU contribue en outre à améliorer la connaissance de l’environnement universitaire par les personnels de la bibliothèque.
Les ateliers organisés à destination du public sont un autre exemple réussi de coopération entre services. Trois services sont impliqués (DBIST, DSI et DRIP) pour des ateliers courts de 20 minutes ouverts à tous sans inscription et proposés sur le temps de la pause méridienne. Ces ateliers sont documentaires (par la présentation des grandes lignes d’une ressource), d’orientation et d’insertion professionnelle ou informatiques. Après trois mois ces ateliers sont une réussite sur le plan de la coopération entre services. Les ateliers documentaires ont aussi conduit à formaliser davantage l’offre documentaire et à la mettre en valeur.
Sur le plan de la fréquentation, le bilan est plus mitigé avec un taux de participation très variable selon les ateliers et selon les périodes (les séances sont désertées en périodes d’examens). Une enquête auprès des étudiants doit contribuer à en faire évoluer le contenu et le format ; l’ouverture à d’autres services de l’université et à des intervenants extérieurs permettront de les ancrer davantage dans le quotidien.
FabLab et MOOC à l’UFR des sciences
C’est avec beaucoup de conviction que Dominique Barth, directeur de l’UFR des sciences, Marie-Françoise Guyonnaud, déléguée générale de la fondation Fondaterra et Dorothée Camus, ingénieure d’études à la Direction des bibliothèques et de l’IST, responsable de la documentation électronique, ont évoqué les premiers pas à l’UFR des Sciences d’une pédagogie par projets où l’étudiant « apprend à faire », avec l’accompagnement des services de la BU.
Partant du principe acquis que le face à face pédagogique en cours magistral ne doit plus être le seul vecteur de transmission de la connaissance, quel accompagnement pédagogique peut-on mettre en place – sans création de postes supplémentaires – pour favoriser la réussite des étudiants en L1, enjeu majeur pour l’université ? Une volonté politique forte en matière de pédagogie active et un partenaire convaincu- la BU – ont permis de repenser la pédagogie en appui sur les ressources du Learning centre pour atteindre ces objectifs. Il s’agit de voir la BU non plus seulement comme un stock de livres mais comme un acteur pédagogique à part entière et de trouver les interactions permettant de mobiliser les ateliers ou les savoir faire de la BU au cœur des enseignements, des projets, au moment où le besoin survient.
Les FabLab, plus qu’un outil, participent de cet état d’esprit consistant à favoriser la capacité à réaliser des projets, à « être dans le faire ». Il s’agit de créer des lieux où l’on peut facilement se réunir, faire incuber des projets, expérimenter, produire ; des lieux où se croisent des acteurs en provenance d’environnements différents. Pour placer cette initiative au centre du campus, l’utilisation du Learning centre s’est imposée. Le lieu importe peu finalement, c’est son accessibilité qui compte. La volonté est de remettre au cœur de l’université l’échange entre pairs et la pratique au service du projet d’établissement. A Versailles, cette dynamique a pris la forme de cinq ateliers ciblés sur des thématiques scientifiques développées par l’UFR des Sciences. Le choix de ces thématiques a pris en compte la capacité à mobiliser les enseignants dans l’accompagnement pédagogique, la mutualisation d’équipements de recherche utilisés irrégulièrement dans les laboratoires, la présence d’experts référents sur ces thèmes (un enseignant et un technicien par atelier).
Les MOOCs, en français les CLOMs, modules numériques d’accompagnement pédagogique, visent à étendre l’effort et la pédagogie vers le tutorat. La bibliothèque y contribue par l’indexation des MOOC dans le catalogue, l’enrichissement des contenus (bibliographies, ressources documentaires) et l’accueil privilégié à la BU dans les espaces de travail en groupe et de tutorat.
Une prochaine étape verra la réalisation – avec l’aide du Centre d’innovation pédagogique – de modules introductifs (parties de cours scénarisées) et la mise en place d’incitations des enseignants à entrer dans le dispositif par des aménagements du temps de service.
Dans le prolongement de cette présentation, Elisabeth Dufour-Jergam, directrice déléguée à la formation à l’Université Paris-Saclay a conclu la matinée en rappelant que la question des MOOC est importante pour tous les établissements, et utile notamment pour la formation tout au long de la vie. A titre d’exemple, l’Université Paris-Saclay multiplie les appels à projets destinés développer et promouvoir la mutualisation, les partenariats dans le cadre de ce type de dispositifs.
Un bref échange avec l’assistance a permis de souligner la nécessité pour l’université de trouver un modèle économique pour les MOOC mais aussi – dans un domaine où se positionnent déjà des acteurs académiques étrangers ou privés – de réfléchir très vite à la question de leur évaluation et de leur certification.
Des ateliers organisés l’après-midi dans la BU devaient permettre – dans les conditions du Learning centre – de poursuivre les travaux en dégageant quelques propositions, synthétisées par Marie-Dominique Heusse, conservateur général, Directrice du Service Interétablissement de Coopération Documentaire de l’Université de Toulouse lors d’une table ronde finale.
Innovation pédagogique et innovations technologiques, quelles relations ?
« Avec un tableau numérique interactif, le curseur, c’est vous »
Le premier atelier, animé par Patricia Gounon, directrice du Centre d’Innovation Pédagogique et Magalie Le Gall, bibliothécaire, s’est déroulé autour d’un TNI (tableau numérique interactif) et a permis de dégager quelques observations sur l’utilisation de ce support innovant. L’usage d’un TNI – en rendant acteur – suscite la participation, la création de contenus plus riches : « on est dans le faire », mais nécessite une mise en espace, une théâtralité : « le curseur c’est vous ». Malgré son aspect « gadget » il devient vite un besoin, « son aspect ludique est une valeur ajoutée dans votre salle de formation ». Cet équipement peut contribuer à faire venir les enseignants chercheurs à la BU « pour se faire la main ». En revanche, bien qu’assez intuitif, il implique un accompagnement nécessaire à la formation de formateurs.
Notant qu’il existe peu de littérature sur Internet ou dans les revues professionnelles sur la pédagogie d’un TNI dans l’enseignement supérieur, cet atelier s’est conclu sur un appel à contributions pour la constitution d’une boîte à outils sur l’utilisation d’un TNI.
Le Learning centre repose sur des collaborations entre services et institutions et c’est au sein d’un deuxième atelier que Dominique Barth, directeur de l’UFR des sciences et Benjamin Caraco, conservateur, ont soulevé la question de sa gouvernance.
Pour Benjamin Caraco, l’évolution du cadre législatif et statutaire (LRU1, RCE, révision du statut des Services communs de la documentation) crée un contexte plus ouvert au dialogue. Mais ce cadre juridique se traduit aussi par une moindre représentation des structures documentaires dans les instances décisionnelles de l’université. Le SCD a pour mission de mutualiser la documentation, mais sa transversalité ne contribue-t-elle pas à le rendre invisible ? Le SCD est en effet souvent considéré comme une sphère à part d’où l’image de structure en silo.
Les discussions ont évoqué la nécessité de fonctionner par projets afin d’associer différents acteurs, mais comment pérenniser ce mode de fonctionnement ? Peut-on envisager un comité de pilotage du Learning centre représentatif des différents services engagés ? Pour Dominique Barth, une solution serait d’envisager le Learning centre comme une composante de l’université, ce qui lui confèrerait de nouveaux droits de représentation et une nouvelle place au sein de la gouvernance de l’université.
Comment donner une place plus grande aux usagers, au-delà de leur représentation – souvent théorique – au conseil documentaire ou des traditionnelles les enquêtes auprès du public ? Les associations étudiantes ou les vice-présidents étudiants – lorsqu’ils existent – ont été évoqués comme des interlocuteurs potentiels ; ces derniers étant constitués en association, le dialogue peut se construire au niveau de l’interprofession.
Les nouveaux dispositifs d’accompagnement des étudiants à la maîtrise de l’information scientifique et technique
Co animé par deux maîtres de conférences – Didier Riou et Jean-Charles Geslot – et deux bibliothécaires – Enrica Harranger et Marie-Estelle Créhalet, conservateur – le troisième atelier s’est intéressé à la question de la formation à l’IST (information scientifique et technique).
Comment les étudiants perçoivent-ils la formation documentaire et le rôle des bibliothécaires ? Les bibliothécaires sont-ils légitimes à s’occuper de pédagogie ?
Quand la formation est dispensée à la BU, chacun s’accorde sur la portée que lui confère la présence de l’enseignant, de la préparation des séances jusqu’à la réutilisation des connaissances, mais aussi parce que « les étudiants croient ce qu’ils voient » et que le fait d’associer l’enseignant et le bibliothécaire permet d’identifier ce dernier comme une personne ressource.
Les participants ont évoqué la difficulté à toucher les enseignants et le travail de conviction à faire et refaire vis-à-vis de ces derniers. Face à une conception encore très forte de la pédagogie – selon laquelle le contenu de la formation passe avant tout par le cours et non par l’appropriation personnelle des connaissances par l’étudiant – un travail sur la place de la documentation peut-il s’entreprendre en amont : lors de la formation des enseignants d’une part, au sein des ESPE, mais aussi en s’adaptant au mode de recrutement des enseignants chercheurs par des partenariats avec les classes préparatoires ?
Citons en guise de synthèse cette remarque formulée au cours de la journée : « L’objectif sera atteint lorsqu’on ne parlera plus du Learning centre parce que le campus dans son ensemble fonctionnera en learning centre ».
Lire aussi sur Insula :
Anne Morenvillé, « Versailles, de la construction d’une BU à l’expérience pédagogique d’un Learning Centre », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 18 décembre 2013. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2013/12/18/versailles-construction-bu-experience-pedagogique-learning-centre/>. Consulté le 21 November 2024.
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