Compte rendu des 5e journées professionnelles du CTLes : morceaux choisis
« Quelles collections pour quelles bibliothèques ? ». Tel était le thème des 5e journées professionnelles du CTLes organisées les 23 et 24 juin 2014 à la BULAC, la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations à Paris. Plus largement, il s’agissait de s’interroger sur la question de la conservation des collections dans un contexte où le numérique occupe une part croissante. Quelles stratégies sont alors adoptées par les établissements dans leurs réorganisations et dans leur fonctionnement quotidien ?
C’est à travers la présentation de grands projets de réorganisation de bibliothèques, ou d’exemples d’organisation de bibliothèques de dépôt aux missions proches de celles du CTLes en Europe et aux États-Unis que les organisateurs ont choisi d’aborder la question de la conservation des collections au cours de la première journée.
Trois expériences à l’étranger : à différentes échelles, solutions et services différents
Au Luxembourg, l’objectif du projet présenté par Monique Kieffer, Directrice de la BN du Luxembourg, était de lutter contre la sous-fréquentation et de contribuer à la mise en place d’une politique nationale. Le Luxembourg est un pays plurilingue où coexistent une langue nationale et plusieurs langues officielles, parlées, enseignées et écrites. La langue représente donc un fort enjeu de cohésion nationale, mais si l’État a beaucoup investi dans les équipements culturels, très fréquentés, les bibliothèques accusent encore un certain retard.
La Bibliothèque nationale de Luxembourg est une bibliothèque à vocation encyclopédique ouverte au grand public, qui pratique le prêt, conserve 1,5 millions de ressources physiques et un nombre croissant de ressources électroniques. C’est aussi une bibliothèque patrimoniale d’étude et de recherche, qui conserve le dépôt légal des imprimés luxembourgeois. Elle intègre un service bibliobus qui dessert les plus petites communes du pays, et joue le rôle de tête de réseau coordonnant le réseau des 65 bibliothèques du pays – universitaires, spécialisées, de lecture publique, de lycées, d’administrations.
Le futur bâtiment, conçu par le cabinet d’architectes allemand Bolles & Wilson, d’une surface de 24 000 m² SHON pour un budget de 112 millions d’euros doit permettre de résoudre les problèmes d‘infrastructure de la BNL et de mettre fin au manque d’espace en conciliant sur un site unique un large accès libre de 300 000 documents physiques, des documents et services numériques, des conditions de conservation adéquates. En ce qui concerne les collections, le choix a été fait d’accorder une priorité absolue aux quatre langues officielles, les autres étant achetées en traductions dans l’une de ces langues. L’objectif est d’augmenter l’attractivité de la BNL pour en faire un outil de construction d’une nouvelle communauté nationale. Son architecture contemporaine alliant convivialité, confort et flexibilité en fera une bibliothèque nationale à même d’intégrer la révolution numérique, la valorisation de son patrimoine et la performance énergétique au service de la promotion de la société du savoir pour tous.
Le chantier vient de démarrer et s’achèvera en 2018.
Aux États-Unis, on se trouve dans une toute autre échelle et il n’existe pas de solution centralisée. Le réseau s’appuie sur des associations professionnelles et la mise en place de solutions coopératives. La conservation partagée s’appuie sur trois réseaux correspondant aux grandes aires géographiques qui incluent des collections imprimées mais aussi les archives et s’étendent au numérique pour l’archivage pérenne.
Le Center for Research Libraries (CRL), présenté par James Simon, est un consortium d’universités, d’écoles et de bibliothèques de recherche indépendantes nord-américaines fondé en 1949. Le CRL acquiert, pour la plupart à l’étranger, et conserve des collections imprimées, journaux, revues, documents, archives et autres ressources traditionnelles et numériques dans les domaines de l’actualité, du droit, de l’agriculture, des sciences et technologies pour les mettre à la disposition de l’enseignement et de la recherche des établissements membres.
La Finlande offre un paysage beaucoup plus centralisé dans un pays de 5 millions d’habitants qui comporte une bibliothèque nationale et un réseau très centralisé de 15 universités et d’écoles polytechniques, des bibliothèques de lecture publique, des bibliothèques spécialisées, entièrement financé par le Ministère de l’éducation et de la culture. La bibliothèque nationale de dépôt a été présentée.
L’impact de la restructuration de bâtiments pour raisons de sécurité en matière de missions et de services : les exemples de la BNUS et de la BIS
Le projet de BNU nouvelle, présenté par Albert Poirot, administrateur de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg devait prendre en compte l’accroissement des importantes collections imprimées (70 kilomètres linéaires pour 3,5 millions de documents), des conditions de conservation adéquates, la mise en valeur des collections et du patrimoine. La politique documentaire est élaborée à partir d’une carte documentaire régionale pour l’Alsace, d’un schéma directeur de la documentation universitaire figurante au contrat de site et devrait évoluer à plus large échelle vers des partenariats européens. L’architecture renouvelle le bâtiment, les collections structurent l’espace sur le plan fonctionnel mais non plus sur un plan disciplinaire. L’accent a été mis sur la pluridisciplinarité des collections, avec l’introduction de la classification Dewey pour les collections en libre accès et la fin du classement pat thèmes en magasin.
À la BIS, Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne, les contraintes d’un bâtiment historique à rénover ont engendré une perte de capacité de stockage qui a nécessité des délocalisations de collections et occasionné une collaboration durable avec le CTLes. Philippe Marcerou, directeur de la BIS, a présenté le projet d’établissement développé autour de ce chantier, nécessitant une structuration des priorités, le passage d’une logique d’accumulation à une logique d’évaluation permanente des collections et une réflexion sur le cycle de vie documentaire, d’un stockage exclusif sur place à un stockage réparti. Les publics occupent une place centrale dans ce projet de « bibliothèque pour les chercheurs plutôt que de bibliothèque de recherche ».
Le CTLes à horizon 2015 : entre stockage distant et animation de réseaux
Au CTLes, 2014 a vu le début des travaux de construction du nouveau magasin de conservation, qui permettra d’en accroître la capacité de stockage de 105 kilomètres linéaires supplémentaires.
Anthony Roubaud a présenté le projet architectural de ce nouveau bâtiment, plus énergétiquement performant, et évoqué la problématique de la relation à créer avec le bâtiment existant, construit en 1994 par l’architecte Dominique Perrault. Bernadette Patte a ensuite exposé le projet bibliothéconomique développé autour de cette construction. Le projet a nécessité une large implication de l’établissement et un important travail interne d’analyse de l’existant pour améliorer la fluidité du circuit du document.
Après une phase de constitution de collections de conservation, le CTLes évolue aujourd’hui vers un rôle de gestion coopérative des collections. Depuis mars 2014, le CTLes est doté de nouveaux statuts qui font de lui un opérateur national de la conservation partagée et de la fourniture de documents. Le décret du 10 mars 2014 a élargi le périmètre de ces missions devenues désormais nationales et en a fixé deux axes majeurs : la conservation partagée et le PEB.
Aujourd’hui, les activités du CTLes s’articulent autour des plans de conservation partagée (PCP). Les projets à venir concernent la finalisation du PCMED (médecine), l’élargissement du PCP Arts du spectacle avec l’intégration du SCD de Lille 3, l’essor des PCP dans le cadre de CollEx1, l’élargissement du périmètre d’intervention du CTLes à des organismes de recherche.
Pour mener à bien ces activités, des outils de travail collaboratif seront proposés. Le CTLes travaille en outre à l’élaboration d’une charte documentaire tenant compte des avis des bibliothèques partenaires et au passage d’un stockage figé à un stockage dynamique des collections.
Sur le CTLes, lire sur Insula :
Anne Morenvillé, « Compte rendu d’une journée d’échanges entre le SCD de l’université Lille 3 et le CTLes », Insula [En ligne], mis en ligne le 2 juin 2014. URL : <https://insula.univ-lille3.fr/2014/06/journee-scd-lille-3-ctles>. Consulté le 15 septembre 2014
L’intervention de Fabien Plazannet, Chef du Département des bibliothèques au Service du Livre et de la Lecture du Ministère de la Culture et de la Communication a souligné le changement de modèle auquel sont aujourd’hui confrontées les collections patrimoniales. L’évolution du cadre légal a fait de la notion de patrimoine en bibliothèque une notion plus construite qui implique de réfléchir davantage à la patrimonialisation des collections. Elle correspond en effet à un patrimoine choisi par un établissement, en fonction de sa politique documentaire.
Des exemples de travail en réseau à l’échelle plus locale ont ensuite été présentés : la problématique des données de la recherche à l’Université Lille 1 et la question du regroupement des collections à Paris Saclay.
Ces journées se sont achevées par une visite de la Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne (BIS).
Crédits iconographiques
Photographie des journées CTLes à la BULAC par Françoise Danel ; photographie de la BIS par Françoise Tayara.
- CollEx : Collections d’excellence : infrastructure documentaire de recherche initiée par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche [↩]
Lire aussi sur Insula :
Anne Morenvillé, « Quelles collections pour quelles bibliothèques ? Accessibilité, valorisation et conservation », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 15 septembre 2014. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2014/09/15/quelles-collections-pour-quelles-bibliotheques-accessibilite-valorisation-et-conservation/>. Consulté le 21 November 2024.
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