L’usage du mythe étiologique dans l’Épître aux Pisons d’Horace

Le présent article entend mettre en lumière la convocation horatienne, dans l’Épître aux Pisons, de deux figures mythiques majeures, liées aux prémices de la poésie et de la civilisation, Orphée et Amphion. Évitant notamment la représentation de l’Orphée amant, pourtant en vogue à l’époque augustéenne, Horace façonne une généalogie auctoriale au sein de laquelle cohabitent poètes légendaires et grands noms de la tradition grecque. Fidèle à la démarche didactique qu’il épouse tout au long de l’épître, il prétend ainsi faire l’éloge de la poésie auprès de ses destinataires et, plus largement, de la jeunesse romaine contemporaine.

Par Robin Glinatsis, professeur en classes préparatoires littéraires et scientifiques au lycée Châtelet de Douai et chargé de cours à l’Université de Lille.

Horace, à l’instar des autres grands poètes de l’époque augustéenne, manie avec aisance, dans l’ensemble de son corpus, une matière mythologique riche, issue de la tradition archaïque grecque. Ses Carmina, en particulier, constituent des espaces poétiques privilégiés au sein desquels viennent s’insérer des éléments empruntés à ce fonds mythologique. Mais la poésie lyrique n’a pas, chez Horace, le monopole du mythe, dans la mesure où ce dernier est également exploité dans le cadre de satires et d’épîtres sous la forme de figures ou d’épisodes précis. Ainsi, l’épître horatienne adressée aux Pisons – L. Calpurnius Piso et ses deux fils1 – est jalonnée de personnages à caractère mythique, tels Orphée et Amphion, qui inaugurent un passage s’étendant des vers 391 à 407. Ce passage, comme plusieurs autres au sein du texte, peut apparaître comme une unité autonome, détachable ; introduit de manière asyndétique, il opère une rupture thématique nette avec les vers qui le précèdent et semble entretenir des rapports lâches avec ceux qui lui font suite. Juste avant (v. 385-390), Horace recommande à l’aîné des fils Pison de soumettre ses productions poétiques à des critiques aguerris et de retarder autant que possible leur publication. Les vers 408 et suivants, quant à eux, rappellent l’existence d’une querelle, vivace à l’époque d’Horace, concernant la primauté de l’ars ou de l’ingenium en matière de composition poétique, et proposent, pour résoudre cette querelle, leur conciliation. Entre ces deux ensembles, le passage qui nous intéresse au premier chef commence donc par exposer, de manière condensée, les fameux mythes d’Orphée et d’Amphion, traditionnellement associés aux origines de la poésie. Quelques vers plus loin sont explicitement rattachés à ces grandes figures mythiques Homère et Tyrtée, ainsi que d’autres poètes archaïques grecs, qui ne sont pas cités nommément, mais auxquels certaines expressions font clairement allusion2. Ainsi, tous ces personnages, que leur nom soit mentionné de manière explicite ou non, se trouvent ici engagés dans une chronologie empruntant conjointement au mythe et à l’histoire, et dont Orphée et Amphion constituent les éléments originels. Horace instaure une chaîne temporelle hybride, dont les premiers maillons viennent s’ancrer dans la sphère du mythe.

Sur la base de ces données, nous tâcherons de caractériser la stratégie discursive dans laquelle les mythes d’Orphée et d’Amphion sont intégrés, afin de mettre en lumière les modalités de leur traitement et le but (ou plutôt les buts) de leur utilisation dans l’épître horatienne. Cette mise en lumière se fondera sur l’examen du mythe dans sa corrélation avec la tradition littéraire selon une perspective intertextuelle, puis avec l’histoire de la poésie dans une optique intratextuelle3, ensuite avec le didactisme ambiant de l’Épître aux Pisons, enfin avec la visée dithyrambique du passage.

Mythe et tradition littéraire

Il s’agit tout d’abord d’interroger certains des regards que porte la tradition littéraire grecque sur les figures d’Orphée et d’Amphion et d’évaluer a posteriori la conformité de la présentation horatienne avec celles qui auront été prélevées dans cette tradition. Les auteurs grecs font généralement apparaître ces personnages dans le cadre de brèves allusions mythologiques, qui excèdent rarement l’espace de quelques vers. Seuls leurs caractéristiques et attributs fondamentaux participent de ce fait à la description. Ainsi, Pindare, dans la Quatrième Pythique, précise simplement l’ascendance divine et le génie musical d’Orphée

Ἐξ Ἀπόλλωνος δὲ φορμιγκτὰς ἀοιδᾶν πατήρ
ἔμολεν, εὐαίνητος Ὀρφεύς.

« La race d’Apollon fournit le joueur de phorminx, le père des chants mélodieux, l’illustre Orphée ».4

La première apparition du personnage dans la poésie lyrique grecque se manifeste donc par sa concision, et la mention euripidienne du uates dans l’Iphigénie à Aulis n’est guère plus détaillée :

Εἰ μὲν τὸν Ὀρφέως εἶχον, ὦ πάτερ, λόγον,
πείθειν ἐπᾴδουσ’, ὥσθ’ ὁμαρτεῖν μοι πέτρας
κηλεῖν τε τοῖς λόγοισιν οὓς ἐϐουλόμην,
ἐνταῦθ ἂν ἦλθον.

« Mon père, si j’avais l’éloquence d’Orphée, si mon chant persuadait les rochers de me suivre, si mes paroles charmaient les cœurs à mon gré, c’est cette voie que j’aurais prise. »5

Ici, c’est la force enchanteresse du chant orphique, capable de maîtriser la nature, qui est signifiée en quelques mots par le tragédien grec. De ces deux extraits affleure par conséquent l’image d’un être précurseur (πατήρ), en relation étroite avec le divin, dont le chant agit sur les éléments naturels. Amphion, lors de ses apparitions dans la littérature archaïque grecque, fait lui-même l’objet de présentations succinctes, comme dans la Nekuia du chant XI de l’Odyssée :

Τὴν δὲ μετ᾽ Ἀντιόπην ἴδον, Ἀσωποῖο θύγατρα,
ἣ δὴ καὶ Διὸς εὔχετ᾽ ἐν ἀγκοίνῃσιν ἰαῦσαι,
καί ῥ᾽ ἔτεκεν δύο παῖδ᾽, Ἀμφίονά τε Ζῆθόν τε,
οἳ πρῶτοι Θήϐης ἕδος ἔκτισαν ἑπταπύλοιο,
πύργωσάν τ᾽, ἐπεὶ οὐ μὲν ἀπύργωτόν γ᾽ ἐδύναντο
ναιέμεν εὐρύχορον Θήϐην, κρατερώ περ ἐόντε.

« Puis je vis Antiope, la fille d’Asopos, qui se vantait d’avoir dormi aux bras de Zeus ; elle en conçut deux fils, Amphion et Zéthos, les premiers fondateurs de Thèbes aux sept portes qu’ils munirent de tours, car, malgré leur vaillance, ils ne pouvaient sans tours habiter cette plaine. »6

L’Amphion d’Homère est relié à l’idée de commencement par son statut de fondateur de cité, comme l’Orphée de Pindare par sa position de πρῶτος εὑρετής du chant poétique. Et Euripide, dans les Phéniciennes, renvoie du fils de Zeus l’image similaire du bâtisseur, encore une fois par l’intermédiaire d’une simple allusion :

ἆρα πύλαι κλήιθροις χαλκόδετά τ’ ἔμϐολα
λαινέοισιν Ἀμφίονος ὀργάνοις
τείχεος ἥρμοσται ;

« Les portes sont-elles verrouillées et les barres de bronze appliquées aux murs de pierre, œuvres d’Amphion ? »7

Ces quelques extraits, issus de l’œuvre d’auteurs majeurs de la tradition grecque, tendent à représenter Orphée et Amphion comme deux figures étroitement associées aux prima, à leur conférer une dimension étiologique patente. Ils traduisent toute la charge symbolique dont les deux personnages sont investis sous la plume d’auteurs grecs majeurs.

Les poètes de la Rome augustéenne, eux, posent un regard nouveau sur ces êtres mythiques, et en particulier sur Orphée, dont la légende prend une expansion assez considérable chez Virgile et Ovide. Comme pour pallier les lacunes de leurs prédécesseurs grecs, ils mettent l’accent sur un aspect du personnage qui semble avoir été jusque-là occulté : Orphée amant. La peinture traditionnelle du fils d’Apollon est délaissée, au profit de la description de sa relation amoureuse avec Eurydice et de sa fameuse catabase au funeste dénouement. Virgile et Ovide forgent ainsi une « vulgate augustéenne du mythe d’Orphée »,8 qui cherche à redéfinir la valeur symbolique du uates. Celui-ci n’est plus tant poeta primus et diuinus que poeta amans. C’est ce dont témoignent les cent derniers vers de la Quatrième Géorgique virgilienne, qui placent dans la bouche du devin Protée le récit de la descente aux Enfers d’Orphée ; dans une perspective élégiaque, la douleur du héros est fréquemment mise en exergue :

Septem illum totos perhibent ex ordine mensis
rupe sub aeria deserti ad Strymonis undam
fleuisse et gelidis haec euoluisse sub antris
mulcentem tigris et agentem carmine quercus.

« Pendant sept mois entiers, dit-on, au pied d’une roche aérienne, sur les bords du Strymon désert, il pleura et raconta ses malheurs au fond des antres glacés, charmant les tigres et entraînant les chênes avec son chant. »9

Le livre X des Métamorphoses d’Ovide privilégie également le récit de la catabase orphique, avec une orientation élégiaque semblable à celle de Virgile :

Orantem frustraque iterum transire uolentem
portitor arcuerat ; septem tamen ille diebus
squalidus in ripa Cereris sine munere sedit ;
cura dolorque animi lacrimaeque alimenta fuere.

« Orphée a recours aux prières ; vainement il essaie de passer une seconde fois ; le péager le repousse ; il n’en resta pas moins pendant sept jours assis sur la rive, négligeant sa personne et privé des dons de Cérès ; il n’eut d’autres aliments que son amour, sa douleur et ses larmes. »10

Le dolor devient par conséquent l’une des caractéristiques essentielles de l’Orphée augustéen, qui apparaît volontiers sous le jour de l’amant meurtri11. Horace, pourtant, dans le passage de l’Épître aux Pisons que nous évoquions en introduction, s’écarte de cette tendance descriptive et semble vouloir renouer avec la représentation grecque du personnage que nous avons soulignée. Les trois vers de l’épître consacrés à Orphée rappellent en effet son action civilisatrice et ses liens étroits avec la sphère divine, tout en omettant cette dimension amoureuse et pathétique :

Siluestris homines sacer interpresque deorum
caedibus et uictu foedo de terruit Orpheus,
dictus ob hoc lenire tigris rabidosque leones.

« Les hommes vivaient dans les bois quand un personnage sacré, un interprète des dieux, Orphée, les détourna du meurtre et d’une nourriture infâme, et voilà pourquoi l’on a dit qu’il domptait les tigres et les lions féroces. »12

La désignation du héros par la formule interpres deorum pointe en particulier son statut d’instance médiatrice entre l’humain et le divin, statut sur lequel nous reviendrons de façon plus approfondie. Dans une optique strictement comparative, Horace emprunte donc assez fidèlement à la tradition grecque deux figures topiques, dont il ne renouvelle en rien la portée symbolique, à l’inverse de certains poètes contemporains. À cet égard, il s’inscrit lui-même dans cette tradition par la simple reprise de deux τόποι mythiques.

À la reprise topique des personnages s’ajoute par ailleurs celle du procédé consistant à décrire l’action fondatrice d’un art. Dans le passage étudié, Horace remonte aux αἴτια légendaires de la poésie pour en montrer les vertus civilisatrices ; la poésie est un bienfait que les dieux ont répandu sur terre pour que les sociétés humaines puissent s’organiser. Ce pouvoir organisateur est illustré par une suite de tournures infinitives :

…publica priuatis secernere, sacra profanis,
concubitu prohibere uago, dare iura maritis,
oppida moliri, leges incidere ligno.

« …distinguer l’intérêt public de l’intérêt privé, le sacré du profane ; faire cesser les unions vagabondes, fixer un droit pour le mariage ; bâtir des places ; graver des lois sur le chêne. »13.

Ces quelques vers semblent constituer un écho manifeste d’un passage du Sur l’échange d’Isocrate qui s’attache à narrer l’apparition de la civilisation sous l’impulsion de l’art oratoire, du λόγος14. Horace aurait ainsi adapté au champ de la poésie un procédé topique issu du domaine de la rhétorique. Finalement, les rapprochements intertextuels mis en évidence révèlent d’une part une certaine fidélité horatienne aux modèles grecs concernant le traitement du personnage d’Orphée, mais aussi de celui d’Amphion, qualifié de Thebanae conditor urbis ((AP, 394.)), et d’autre part un écart entre l’appréhension horatienne du fils d’Apollon et celle d’un Virgile ou d’un Ovide. Pourquoi cette spécificité d’Horace dans un contexte augustéen favorisant la peinture d’un Orphée amoureux et empli de douleur ? Pour répondre à cette question, examinons les liens que le passage étudié tisse entre le mythe et l’histoire de la poésie qu’il élabore sur la base de ce même mythe.

Mythe et histoire de la poésie

Horace, nous le disions, retient d’Orphée et d’Amphion leur dimension initiatrice, dans l’optique d’une reconstitution historique de la poésie. La perspective est désormais intratextuelle, interne à l’épître, dans la mesure où le poète augustéen forge sa propre étiologie en se fondant sur des données empruntées à la tradition grecque. C’est que l’Épître aux Pisons, dans sa démarche didactique, est sans cesse attirée par le récit des origines, en particulier lors de la caractérisation de la poésie et de certains de ses genres. La désignation d’un genre poétique induit un retour systématique à ses prémisses, à ses formes initiales, dans l’idée que leur connaissance est indispensable à la juste compréhension des codes scripturaux du genre en question. Aussi Horace interroge-t-il l’identité du primus inuentor de l’élégie :

quis tamen exiguos elegos emiserit auctor,
grammatici certant et adhuc sub iudice lis est.

« Quel créateur pourtant inventa la brièveté des vers élégiaques ? les grammairiens en disputent et le procès est encore pendant. »15

De même, les deux genres théâtraux auxquels il consacre un long développement ne manquent pas d’être ramenés à leur commencement (ou plus précisément à celui que l’auteur leur attribue). Le drame satyrique, d’abord, trouve son point de départ dans la tragédie, dont l’une des étymologies nous est en même temps fournie :

Carmine qui tragico uilem certauit ob hircum,
mox etiam agrestis Satyros nudauit…

« Celui qui disputa avec un poème tragique un bouc de peu de prix, bientôt aussi montra nus sur la scène les agrestes Satyres… »16

Quelques vers plus loin nous est présentée la genèse de la tragédie elle-même, dont Horace accorde la paternité à Thespis :

Ignotum tragicae genus inuenisse Camenae
dicitur et plaustris uexisse poemata Thespis
quae canerent agerentque peruncti faecibus ora.

« On ignorait encore, dit la tradition, le genre de la Camène tragique quand Thespis le découvrit et promena sur des chariots ses poèmes que chantaient et jouaient des acteurs au visage barbouillé de lie. »17

Les références à Orphée et à Amphion viennent donc s’inscrire dans cette propension à renouer avec les origines d’un genre ou d’un art, à en retrouver l’inventeur. Les deux personnages figurent l’apparition de la poésie, lui donnent une image concrète à travers la représentation de scènes mythiques ; traditionnellement associés à cet art, ils en incarnent à la fois l’essence et la naissance18. Il est donc naturel qu’ils correspondent aux éléments originels de la chaîne auctoriale instaurée par Horace aux vers 391 et suivants de l’Épître aux Pisons. La démarche consistant ici à livrer une histoire de la poésie empreinte à la fois de mythe et de réalité n’est pas une invention du poète augustéen. Aristophane, par exemple, nous offre dans les Grenouilles sa propre reconstitution mythico-historique :

Ὀρφεὺς μὲν γὰρ τελετάς θ᾽ ἡμῖν κατέδειξε φόνων τ᾽ ἀπέχεσθαι,
Μουσαῖος δ᾽ ἐξακέσεις τε νόσων καὶ χρησμούς, Ἡσίοδος δὲ
γῆς ἐργασίας, καρπῶν ὥρας, ἀρότους · ὁ δὲ θεῖος Ὅμηρος
ἀπὸ τοῦ τιμὴν καὶ κλέος ἔσχεν πλὴν τοῦδ᾽ ὅτι χρήστ᾽ ἐδίδαξεν,
τάξεις ἀρετὰς ὁπλίσεις ἀνδρῶν ;

« Orphée nous enseigna les mystères et à nous abstenir de meurtres ; Musée, la guérison des maladies et les oracles ; Hésiode, les travaux des champs, les saisons des fruits, les labours. Et le divin Homère, d’où lui viennent honneur et gloire, sinon d’avoir enseigné des choses profitables : ordre des batailles, vertus guerrières, équipements des hommes ? »19

Orphée est là aussi représenté comme l’instigateur d’une action civilisatrice appliquée par la poésie sur les sociétés humaines. Mais la généalogie s’articule ensuite autour de figures absentes du texte horatien – Musée et Hésiode –, et s’achève avec la mention d’Homère, qui est considéré, semble-t-il, comme le point d’aboutissement de cette lignée poétique. Au contraire, chez Horace, le poète épique assure, au côté de Tyrtée, la transition entre temporalité mythique et temporalité historique, devenant un relais entre les primi inuentores légendaires et leurs successeurs « humains ». Bien plus, la chaîne auctoriale élaborée dans l’épître s’efforce d’estomper la distinction entre mythe et histoire par l’entremise de deux procédés rigoureusement inverses : l’historicisation du mythe et la poétisation de la réalité historique. En effet, un certain prosaïsme caractérise d’abord la description d’Orphée et d’Amphion dans le passage ; la double occurrence de dictus (vv. 393-394), en explicitant la valeur symbolique des deux héros, déjoue en quelque sorte l’atmosphère poétique qu’aurait pu générer une simple exposition du mythe. Ainsi, l’effet poétique que peuvent susciter les formules saxa mouere sono testudinis et prece blanda ducere quo uellet (vv. 395-396) est préalablement annulé par le dictus du vers 394. Par ailleurs, la dualité de la figure d’Orphée, signifiée par le premier vers du passage – Orphée est sacer interpresque deorum, mais il vit parmi les siluestris homines – s’oriente plutôt vers une mise en relief de l’aspect humain du personnage, qui agit de manière concrète sur les civilisations humaines. Cette action est développée par la série de tournures infinitives des vers 397 à 399, que nous avons déjà évoquée, le démonstratif haec du vers 396 ayant une valeur à la fois anaphorique (tournée vers la présentation succincte du rôle civilisateur d’Orphée) et cataphorique (annonçant cette énumération de tournures infinitives)20. À l’inverse, les poètes rattachés à la tradition historique sont engagés dans une description nettement plus poétique, afin d’être élevés au rang des héros fondateurs, de souffrir la comparaison avec eux. La technique descriptive d’Horace aspire à un équilibre entre tous les éléments de la généalogie auctoriale mise en place, qu’ils appartiennent au mythe ou à l’histoire. Cette entreprise d’homogénéisation s’appuie donc, dans la peinture des uates humani, sur l’utilisation de formules poétiques, pour caractériser, par exemple, la poésie d’un Tyrtée :

Tyrtaeusque mares animos in Martia bella
uersibus exacuit…

« Par ses vers, Tyrtée anima aux combats de Mars les mâles courages. »21

L’effort de poétisation, annoncé par l’expression diuinis uatibus du vers 40022, plus proche textuellement d’Homère et de Tyrtée que d’Orphée et d’Amphion, est ici marqué par l’adjectif Martius, qui indique que le discours progresse désormais sous l’égide du divin. Aussi le prosaïsme des premiers vers du passage laisse-t-il place à des périphrases, des allusions, des métaphores, autant de procédés poétiques qui suggèrent plus qu’ils ne disent. Ainsi, la formule uitae monstrata uia estdu vers 40423  interrompt l’énumération nominale des figures reliées à la chaîne auctoriale, désignant de façon détournée les poètes gnomiques grecs, tels Solon, Théognis ou Phocylide. De même, l’expression gratia regum Pieriis temptata modis (vv. 404-405) fait allusion à Pindare, Simonide ou Bacchylide, qui s’attirèrent la faveur de potentats, comme Hiéron ou Théron ; par ailleurs, l’adjectif Pierius, qui désigne poétiquement ce qui se rapporte aux Muses, compte plusieurs occurrences dans les Carmina horatiens24, aucune dans les Satires et les autres épîtres, ce qui tend également à prouver la détermination poétique de ces quelques vers. On voit donc bien comment Horace, par ce double mouvement d’historicisation du mythe et de poétisation de l’histoire, façonne ici une généalogie de poètes cohérente et unie, qui souligne l’homologie du poeta diuinus et du poeta humanus : Homère, Tyrtée, Solon, Phocylide, Pindare… sont des Orphées et des Amphions terrestres. L’établissement d’une telle généalogie répond, il me semble, à un double objectif : une démonstration de nature didactique d’une part, un éloge de la poésie d’autre part. Examinons d’abord les liens des mythes d’Orphée et d’Amphion avec le didactisme ambiant de l’Épître aux Pisons.

Mythe et didactisme

La peinture d’Orphée et d’Amphion dans le passage étudié obéit fidèlement, nous l’avons précisé, au mythe, ou plutôt à un pan du mythe, tel qu’il a été transmis par la tradition poétique. Nous avons également pointé la concision et le prosaïsme avec lesquels les deux personnages sont décrits dans l’épître horatienne. C’est qu’Horace s’efforce ici de recueillir la substance même des mythes en les exposant de manière condensée, épurée, et d’en élever les protagonistes au rang d’exempla ((Voir E. R. Schwinge, « Zur Kunsttheorie des Horaz », Philologus, 107, 1963, p. 88.)). Les deux dictus des vers 393 et 394 témoignent, par la mise à distance qu’ils opèrent, de l’appartenance d’Orphée et d’Amphion à un fonds mythologique commun, dans lequel tout poète peut venir puiser. Ils fonctionnent comme des marqueurs didactiques en explicitant les liens qui unissent les personnages dépeints à la tradition ; ils rappellent ainsi qu’Horace, dans l’Épître aux Pisons, adopte volontiers la posture du maître de poésie s’adressant à l’un de ses disciples. Afin de mettre en lumière la dimension didactique inhérente à notre passage, comparons la présentation d’Orphée et d’Amphion que propose l’épître à celle des Odes. La figure d’Orphée apparaît au cœur du Carmen I, 12 :

…unde uocalem temere insecutae
               Orphea siluae
arte materna rapidos morantem
fluminum lapsus celerisque uentos,
blandum et auritas fidibus canoris
             ducere quercus.

« …lieu d’où les forêts suivirent à l’aventure l’harmonieux Orphée, qui, par l’art maternel, suspendait la course emportée des fleuves et l’agilité des vents et avait des caresses dans ses cordes sonores pour donner des oreilles aux chênes et les conduire avec lui. »25

Amphion, lui, est mentionné dans le Carmen III, 11 :

Mercuri, – nam te docilis magistro
mouit Amphion lapides canendo, -…

« Mercure – car tu es le maître qui instruisit Amphion à mouvoir les pierres par ses accords, –… »26

Dans les deux cas, le mythe et son contenu sont génériquement assumés par l’ode. L’univers lyrique les accepte pleinement, sans recourir à la moindre mise à distance de facture métalinguistique ; il les intègre d’emblée, sans interroger leur provenance ou leur mode d’expansion. Au contraire, l’épître, qui manie plutôt la langue du sermo, est capable de ménager un tel écart énonciatif et d’offrir la possibilité d’une réflexion (ici sur le traitement de deux personnages mythiques). Affranchie des codes scripturaux propres au discours poétique, elle peut tenir un propos métalittéraire explicite. Pourtant, la référence propertienne à nos héros dans le cadre d’une élégie se munit d’indices de mise à distance similaires :

Orphea delenisse feras et concita dicunt
        flumina Threicia sustinuisse lyra ;
saxa Cithaeronis Thebanam agitata per artem
        sponte sua in muri membra coisse ferunt ;

« Orphée, dit-on, adoucit les bêtes sauvages et retint de sa lyre thrace des fleuves impétueux ; on rapporte aussi que les rochers du Cithéron, mis en branle par l’art du Thébain, s’unirent spontanément pour former le corps d’un mur. »27

Dicunt et ferunt, sur le modèle des dictus de l’Épître aux Pisons, participent également à la mise en place d’une réflexion sur les modalités de traitement de figures mythiques par rapport à une tradition. Mais la présentation horatienne, dans la démarche didactique qui la caractérise, va plus loin. Non contente de signaler la conscience qu’elle a de ses liens avec les représentations traditionnelles d’Orphée et d’Amphion, elle offre les clefs d’une lecture allégorique du mythe. Un regard stoïcien se plairait à voir dans l’apprivoisement orphique des lions et des tigres l’image de l’action civilisatrice du fils d’Apollon sur les premiers hommes, qui vivaient à l’état sauvage28. Ce mode interprétatif est clairement signifié dans le texte horatien, par l’intermédiaire du ob hoc du vers 393 (Siluestris homines sacer interpresque deorum | caedibus et uictu foedo de terruit Orpheus,| dictus ob hoc lenire tigris rabidosque leones. « Les hommes vivaient dans les bois quand un personnage sacré, un interprète des dieux, Orphée, les détourna du meurtre et d’une nourriture infâme, et voilà pourquoi l’on a dit qu’il domptait les tigres et les lions féroces. »), qui se pose comme le signe explicite de l’allégorèse à l’œuvre dans le passage. Le hoc, anaphorique, renvoie à l’action civilisatrice d’Orphée décrite aux vers 391 et 392 et met au jour, à l’aide de la préposition ob, le rapport analogique entre les hommes des temps primitifs et les animaux sauvages, glosant en quelque sorte le dictus qui le précède immédiatement. Cette double explicitation des liens du mythe avec la tradition et du mode de lecture allégorique de l’action évoquée nous invite à penser qu’Horace livre ici un cas d’école, facilement reconnaissable pour le poète néophyte auquel il s’adresse. C’est là aussi une manière de justifier le prosaïsme qui accompagne la brève exposition de ces mythes ; le poète augustéen emprunte le ton aride du théoricien, qui cherche à rendre son propos le plus intelligible possible. Il procède en réalité à l’actualisation d’un précepte énoncé en amont dans l’épître, aux vers 119 et suivants :

Aut famam sequere aut sibi conuenientia finge
scriptor.

« Suivez, en écrivant, la tradition, ou bien composez des caractères qui se tiennent. »29

Le passage est consacré au traitement des personnages dans le cadre de la composition dramaturgique. Malgré l’alternative proposée, Horace y préconise plutôt le recours à la tradition dans le choix des caractères, la création de nouvelles personae étant considérée comme risquée. Il dresse ainsi une liste de personnages mythiques (et littéraires) illustres à chacun desquels est attachée une qualité intrinsèque, issue d’une présentation devenue topique. De fait, Achille est communément dépeint comme impiger, iracundus, ineroxabilis et acer (v. 121), Médée comme ferox et inuicta (v. 123), Ino comme flebilis (v. 123), Ixion comme perfidus (v. 124), Io comme uaga (v. 124) et Oreste comme tristis (v. 124). Orphée et Amphion auraient pu être adjoints à cette liste en tant que personae que la tradition poétique a façonnées, auxquelles elle a donné des traits distinctifs. Mais Horace, il me semble, a préféré les intégrer à une exemplification pratique de ce précepte appelant à l’observation des caractéristiques traditionnelles d’un personnage au moment de sa description. Les deux uates légendaires participent de ce fait à la mise en application interne d’une recommandation, exhibée de façon concrète dans le cours même de l’épître. Le destinataire y trouve ainsi à lire la version théorique d’un point de composition poétique et sa réalisation effective. Tels sont donc les liens qui unissent l’usage des mythes d’Orphée et d’Amphion au didactisme inhérent à l’Épître aux Pisons. Achevons notre réflexion en tâchant de caractériser le rôle de ces mythes dans la visée dithyrambique du passage.

Mythe et éloge

La figure d’Orphée, nous l’avons observé, affiche une dualité liée à son statut intermédiaire entre l’humain et le divin. Nous avons par ailleurs remarqué qu’Horace accorde une certaine primauté à l’aspect terrestre du personnage, dans une optique bien précise. Toutefois, sa dimension céleste, loin d’être occultée, est signifiée, rappelons-le, dès le premier vers du passage par l’expression sacer interpresque deorum (v. 391). Plus ou moins délaissée dans les vers suivants, elle réapparaît à la toute fin de l’extrait grâce à la mention de la Musa lyrae sollers et surtout de cantor Apollo …ne forte pudori
sit tibi Musa lyrae sollers et cantor Apollo.
« Qu’on n’aille donc pas rougir de la Muse adroite à manier la lyre ni d’Apollon musicien. »
(AP, 406-407).)), qu’un pan de la tradition mythique assimile au père d’Orphée30. La présence de ces deux divinités à la conclusion du passage n’est pas anodine ; elle éclaire d’une lumière divine rétrospective la généalogie auctoriale qui s’y trouve élaborée. La chaîne, amorcée par le personnage d’Orphée et conclue par celui d’Apollon, devient alors une boucle, un cercle englobant tous les poètes cités, directement ou non, dans l’espace de ces quelques vers. Parmi ces poètes figure l’aîné des fils de Pison, auquel Horace s’adresse de façon manifeste au vers 407 par l’intermédiaire du pronom tibi. Toutefois, ce tibi ne semble pas se restreindre à la seule personne de Pison fils, mais bien davantage pointer l’ensemble des jeunes auteurs de la Rome augustéenne31. L’expression à laquelle est rattaché le pronom – ne forte pudori sit tibi Musa (vv. 406-407) –, se réfère d’ailleurs à la conjoncture poétique d’une Rome qui voit sa jeunesse dévaloriser la poésie, la considérer comme quelque chose de léger, de futile32. Horace s’efforce ici de redonner à cet art tout son lustre, en signifiant son ascendance divine et en désignant les jeunes auteurs romains comme des éléments constitutifs de cette boucle auctoriale ; il en fait les héritiers directs des poetae diuini décrits dans les premiers vers de notre extrait. Bien plus, la circularité du passage efface toute hiérarchie poétique que pourrait impliquer l’idée de chaîne, en la supplantant par l’image du cercle, dont chaque point est strictement analogue à tous les autres. De même qu’Homère et Tyrtée furent les incarnations terrestres d’Orphée et d’Amphion à leur époque, de même les jeunes poètes contemporains constituent les ἀνάλογα romains des deux héros. Ainsi, Horace se sert du mythe pour la mise en place d’un éloge de la poésie à un double niveau : celui du général, par la reprise topique de deux personnages qui signifient traditionnellement les origines divines de la poésie et cristallisent son élévation ; celui du particulier, par la démarche consistant à ancrer le discours généalogique dans l’hic et nunc de la Rome du Ier siècle av. J.-C. et à souligner, par là même, l’étroitesse des liens qui unissent les jeunes poètes romains aux primi inuentores, dans l’idée d’un atavisme poétique. Finalement, alors que l’Épître aux Pisons regorge de préceptes insistant sur l’importance de l’ars, du labor limae en matière de composition poétique, ce qui, précisément, rebutait la jeunesse romaine de l’époque, Horace consacre quelques vers à la glorification de l’ingenium, cette veine innée dont chaque uatesdigne de ce nom est doté. Tout poète est investi d’une part de divin, qui le rapproche non seulement de ses prédécesseurs, mais aussi de ceux qui viennent à sa suite.

En conclusion, un examen minutieux de ce passage de l’Épître aux Pisons révèle la spécificité du traitement qu’Horace réserve au mythe. Ce dernier n’est pas fabriqué, ni même recréé, mais plutôt ajusté à la singularité d’un discours résolument empreint de didactisme. Les données de la tradition sont reprises de manière fidèle, aucune volonté de renouvellement n’est explicitement affichée ; ce sont les modalités, variables, d’exposition du mythe qui insufflent de la nouveauté à son appréhension traditionnelle. La technique descriptive, qui aspire en définitive à un panégyrique de la poésie, forge une étiologie inédite, bien moins par l’invention ou la refonte d’éléments mythologiques que par la confrontation d’une matière fictionnelle connue avec la réalité historique de la Rome augustéenne du Ier siècle av. J.-C. Horace, pour ainsi dire, ouvre au mythe la porte du réel.

Robin Glinatsis

Orphée charmant les bêtes sauvages avec sa lyre, Franz von Stuck 1891. Musée de la villa Stuck, Munich
  1. Si l’on en croit du moins le commentaire de Porphyrion consacré à cette épître. Toutefois, cette identification a été fermement remise en cause par la critique moderne, et l’identité des Pisons n’a toujours pas été établie de façon définitive ; cf. à ce sujet R. Syme, « The Sons of Piso the Pontifex », American Journal of Philology, 101, 1980, p. 333-341, C. O. Brink, Prolegomena to the Literary Epistles, Horace on Poetry, vol. 1, Cambridge, University Press, 1963, p. 239-243 et B. Frischer, Shifting paradigms. New approaches to Horace’s Ars poetica, Atlanta, The American Philological Association, 1991, p. 52-59. []
  2. Par exemple, la formule uia uitae du vers 404, nous y reviendrons, se réfère sans nul doute aux poètes gnomiques que sont Solon, Théognis ou Phocylide. []
  3. Cette partie étudiera en effet la reconstitution originale, à l’intérieur du texte horatien, d’une histoire de la poésie à partir de données fournies par la tradition. []
  4. Pyth. IV, 176-177, traduction d’A. PUECH pour la CUF, Paris, 1951. []
  5. I. A., 1211-1214, traduction de F. Jouan pour la CUF, Paris, 1983. []
  6. Od., XI, 260-265, traduction de V. Bérard pour la CUF, Paris, 2002 (1ère édition 1924). []
  7. Phéniciennes, 114-116, traduction de H. Grégoire et L. Méridier pour la CUF, Paris, 1985. []
  8. Cf A. Béague, J. Boulogne, A. Deremetz et F. Toulze, Les Visages d’Orphée, Presses Universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 1998, p. 43 sqq []
  9. G., VI, 507-510, traduction de H. Goelzer pour la CUF, Paris, 1946. []
  10. M., X, 72-75, traduction de G. Lafaye pour la CUF, Paris, 2002. []
  11. Les poètes augustéens considèrent ainsi que la querella orphique fixe l’origine du genre élégiaque ; cf. à ce sujet A. MICHEL, « Orphée dans la tradition de la poésie gréco-latine », Revue de littérature comparée 73 (4), 1999, p. 511-531. []
  12. AP, 391-393, traduction de F. VILLENEUVE pour la CUF, Paris, 1934. []
  13. AP, 397-399. []
  14. …ἐγγενομένου δ᾽ ἡμῖν τοῦ πείθειν ἀλλήλους καὶ δηλοῦν πρὸς ἡμᾶς αὐτούς, περὶ ὧν ἂν βουληθῶμεν, οὐ μόνον τοῦ θηριωδῶς ζῆνἀπηλλάγημεν, ἀλλὰ καὶ συνελθόντες πόλεις ᾠκίσαμεν καὶ νόμους ἐθέμεθα καὶ τέχνας εὕρομεν, καὶ σχεδὸν ἅπαντα τὰ δι᾽ ἡμῶνμεμηχανημένα λόγος ἡμῖν ἐστὶν ὁ συγκατασκευάσας. « …mais parce que nous avons reçu le pouvoir de nous convaincre mutuellement et de faire apparaître clairement à nous-mêmes l’objet de nos décisions, non seulement nous nous sommes débarrassés de la vie sauvage, mais nous nous sommes réunis pour construire des villes ; nous avons fixé des lois ; nous avons découvert des arts et, presque toutes nos inventions, c’est la parole qui nous a permis de les conduire à bonne fin. » (Ant., 254, traduction de G. Mathieu et E. Brémond pour la CUF, Paris, 1987). []
  15. AP, 77-78. []
  16. AP, 220-221. []
  17. AP, 275-277. []
  18. D’ailleurs, le mythe d’Amphion renforce la perspective génétique du passage en ce qu’il affirme l’implication active de la poésie dans la fondation de la cité-état grecque. Thèbes passait en effet pour la plus ancienne cité de Grèce (cf. Varron, Économie rurale, III, 1). Voir à ce sujet M. A. Grant et G. C. Fiske, « Cicero’s ‘Orator’ and Horace’s ‘Ars Poetica’ », Harvard Studies of Classical Philology, 35, 1924, p. 66 sqq. []
  19. Ran., 1032-1036, traduction de H. van Daele pour la CUF, Paris, 1967. []
  20. Voir A. Kiessling et R. Heinze (éds), Q. Horatius Flaccus. Briefe, Berlin, Weidmannsche Verlagsbuchhandlung, 1961, p. 355. []
  21. AP, 402-403. []
  22. Sic honor et nomen diuinis uatibus atque
    carminibus uenit.
    « C’est ainsi que la gloire, ainsi que le nom de divins furent acquis aux poètes inspirés et à leurs chants. » (AP, 400-401). []

  23.  …dictae per carmina sortes,
    et uitae monstrata uia est et gratia regum
    Pieriis temptata modis ludusque repertus
    et longorum operum finis…
    « C’est en vers que les oracles furent rendus ; le chemin de la vie fut montré, la faveur des rois sollicitée sur les rythmes piériens ; on inventa les jeux scéniques, délassement après les longs travaux… » (AP, 403-406). []

  24. Cf. Ode III, 4, 37 ; III, 10, 13 ; IV, 3, 17. []
  25. Carm. I, 12, 7-12, traduction de F. Villeneuve pour la CUF, Paris, 1929. []
  26. Carm. III, 11, 1-2. []
  27. Prop., III, 2, 3-6, traduction de S. Viarre pour la CUF, Paris, 2005. []
  28. « Horace allegorizes parts of the Orphic myth: Orpheus spellbinding wild animals really is Orpheus civilizing primitive and brutish man (…). This is a familiar feature in Stoic allegory… » (C. O. Brink, Horace on Poetry. The Ars Poetica, Cambridge, 1971, p. 387-388) ; pour un plus large aperçu de cette propension stoïcienne à l’interprétation allégorique, voir P. DeLacy, « Stoic Views of Poetry »,  American Journal of Philology, 69 (3), 1948, p. 241-271. []
  29. AP, 119-120. []
  30. En fait, cette paternité serait plutôt d’ordre spirituel, Orphée étant généralement considéré comme le fils d’Œagre, dieu thrace d’un fleuve, et de Calliope, fille de Zeus et de Mnémosyne, chantée par Hésiode comme la « première » de toutes les Muses ; voir à ce sujet R. Sorel, Orphée et l’orphisme, PUF, Paris, 1995, p. 18-19. []
  31. En effet, dans l’Épître aux Pisons, de nombreuses adresses à la deuxième personne du singulier possèdent implicitement la même valeur générale, ce qui laisse à penser qu’Horace parle moins à un destinataire isolé qu’à une communauté de jeunes poètes romains contemporains. Cette dimension générale est comme explicitée dès le début du texte : Sumite materiam uestris, qui scribitis, aequam | uiribus… « Prenez, vous qui écrivez, un sujet égal à vos forces… » (AP, 38-39). []
  32. « Die Verse von der Größe und Heiligkeit der Dichtung (391-407) haben das Recht so strenger Forderungen begründet, im Gegensatz zu dem römischen Gefühl, das sich des Dichtens schämt, wenn es nicht nebenbei abgetan wird, sondern den ganzen Menschen, seinen ganzen Ernst, seine Zeit und Arbeit beansprucht. » (F. Klingner, « Horazens Brief an die Pisonen », in id., Studien zur griechischen und römischen Literatur, 1964, p. 393). []

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Robin Glinatsis, « L’usage du mythe étiologique dans l’Épître aux Pisons d’Horace », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 7 novembre 2019. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2019/11/07/lusage-du-mythe-etiologique-dans-lepitre-aux-pisons-dhorace/>. Consulté le 21 November 2024.