Patrimoine archéologique en danger

Actualité de l’Antiquité / 10.

Le patrimoine est en danger. Crise économique, troubles, guerres, négligences : petit tour d’un sombre horizon.

Des « trésors » convoités

Des trésors, « il n’y en a pas en archéologie », disait Frédéric Loridant, responsable du service archéologique du conseil général du Nord, décédé en ce mois de mars 2012. L’archéologue commentait alors dans l’Observateur du Cambrésis une découverte archéologique près de Cambrais. C’était en 2008.

Old Museum, Olympia par RobW_ (Flickr)
Musée des jeux olympiques à Olympie par RobW_ (Flickr)

Les trouvailles archéologiques ne sont pas des trésors, mais elles se monnayent comme si elles en étaient. Une pièce de monnaie juive du 1er siècle vient ainsi d’être adjugée un million de dollars lors d’une vente aux enchères à New York (Le Monde du 10 mars 2012). On comprend, surtout en période de crise, que les antiquités puissent être convoitées et pillées pour être revendues à des personnes ou des institutions bernées ou peu scrupuleuses.

Le cas de la Grèce est à ce titre exemplaire. Le ministre de la culture, Pavlos Geroulanos, avait été contraint à des mesures d’économie. Moins de personnel pour surveiller le musée a sans doute aidé les voleurs à neutraliser l’unique gardienne d’un musée d’Olympie et faciliter le vol de 77 antiquités. Love of History blog présente les photographies des objets disparus : lampes en terre cuite, rouelles en bronze, figurines animales, vases, figurines et petits objets (dont une bague en or d’époque mycénienne). L’ensemble a été emporté par deux individus cagoulés, armés de kalachnikovs, qui fracassèrent les vitrines, rapporte Athens News (voir aussi dans Le Monde du 17 février 2012). Suite à ce vol – et à celui de tableaux d’art moderne qui eut lieu en janvier au musée national d’Athènes – le ministère de la culture a décidé de créer un groupe de travail consacré à la sécurité dans les musées (Le Journal des arts du 27 février).

Le vol à main armée d’Olympie est venu illustrer la récente conférence donnée par Anthony Amore, chef de la sécurité du Isabella Stewart Gardner Museum, ce musée de Boston qui avait été le théâtre d’un cambriolage en mars 1990 (avec la disparition de treize œuvres dont un Rembrandt et un Vermeer). Cette conférence intervenait à l’occasion du quarantième anniversaire du premier vol à main armée connu dans un Musée, celui qui se déroula en mai 1972 au Worcester Art Museum. Voir cette information sur les sites Art Media Agency et Telegram.com.

Listes rouges

Liste rouge (ICOM)
Liste rouge (ICOM)

« Depuis la révolution, les gens creusent comme des fous sur la rive occidentale d’Assouan. Des trafiquants professionnels, mais aussi de simples habitants » constate Adel Kelany, inspecteur au Conseil suprême des antiquités de l’Égypte (CSA), dans un long article consacré aux pilleurs de l’Égypte dans le journal Le Monde du 11 mars 2012. Provenant de vols dans des musées, ou de sites pillés, les troubles dans le pays permirent de voler objets antiques de petite taille ou de plusieurs tonnes. Les risques pris par ces fouilleurs clandestins sont grands : dix corps viennent d’être retirés sans vie de fouilles illégales (Afriquinfos du 12 mars). Les vols en Égypte ont été si nombreux qu’une « liste rouge d’urgence des biens culturels égyptiens en péril » vient d’être réalisée par le Conseil international des musées (ICOM) avec l’Unesco, donnant la typologie d’une cinquantaine d’objets les plus volés. On trouve le document au format pdf sur le site de l’ICOM. Une seconde liste va bientôt être publiée, à l’exemple de celle qui fut réalisée pour l’Afghanistan, permettant le retour de 8 000 pièces volées (Le Monde du 10 mars 2012). Voir les différentes listes rouges.

Berlin exige la démolition du Parthénon

« Berlin exige la démolition du Parthénon. Le coût de l’entretien du site serait trop élevé et menacerait l’équilibre des finances publiques grecques ». Cette phrase, écrite en préambule d’un billet de Gabriel Collectis sur un blog du site Médiapart intitulé « La Grèce peut-elle disparaître ? », pour provocatrice qu’elle soit, n’est pas sans fondement. Les archéologues grecs eux-mêmes expriment leurs craintes face aux incertitudes budgétaires. À l’occasion du 25e congrès archéologique de Thessalonique, annonçant les résultats annuels des fouilles réalisées sur le territoire grec, les archéologues se sont publiquement interrogés sur l’éventualité de ré-enfouir les vestiges découverts par mesure de sécurité, pour éviter les vols devenus plus aisés en raison du manque de moyens et du climat d’austérité régnant en Grèce. Des fouilles clandestines effectuées sur le site de Pella, laissé sans surveillance, exhumèrent des masques funéraires qui furent ensuite l’objet d’un trafic (Le journal des arts du 6 mars 2012). Pour Michalis Tiverios, professeur d’archéologie à l’Université Aristote de Thessalonique, « la Terre-Mère est la meilleure protectrice de nos antiquités » (Archaiologia.gr le 5 mars 2012).

Patrimoine mondial en danger

Palmyra par Hovic (Flickr)
Palmyre par Hovic (Flickr)

L’Autorité palestinienne (AP) souhaite enregistrer une vingtaine de sites localisés du côté palestinien de la ligne verte au patrimoine mondial de l’Unesco, parmi lesquels la vieille ville de Naplouse et le site de Qumrân, où furent trouvés les manuscrits de la mer Morte, mais aussi la Basilique de la Nativité (Popular archaeology). Être un site estampillé « Patrimoine mondial » ne donne évidemment pas une sécurité absolue. Le patrimoine culturel est une victime collatérale des guerres et des révoltes, risquant d’être endommagé, ou pillé. On se souvient qu’en 2011 déjà l’Unesco avait alerté sur les risques encourus par les sites de Tunisie, Égypte et Libye (RFI en mars 2011). En février 2012, la presse s’est émue qu’en Syrie la cité antique de Palmyre, dont les ruines romaines sont inscrites au Patrimoine de l’Unesco, assiégée par l’armée syrienne, subisse des tirs quotidiens (Le Point du 19 février 2012).

Antiquités retrouvées

On retrouve parfois des antiquités volées. La police grecque vient de démanteler un réseau de 44 pilleurs en Grèce et a pu récupérer 8000 pièces de monnaie anciennes et pléthore de bijoux. Les trafiquants utilisaient des détecteurs de métaux (Le Point du 4 mars). Le Magazine Littéraire, quant à lui, rapporte dans son Fil des lettres du 27 février qu’en Turquie la police d’Ankara a mis la main sur une Bible écrite en araméen datant d’il y a 1500 ans lors d’une opération anti-contrebande. En Égypte, les autorités ont arrêté un couple britannique à l’aéroport du Caire et récupéré également une Bible (du XVIe siècle cette fois) ainsi que de nombreuses antiquités égyptiennes relate Arhamonline. En France aussi : deux plongeurs amateurs de Saint-Raphaël, qui prélevaient pour leurs collections personnelles des vestiges archéologiques antiques sous-marins sur un site classé au large de la commune varoise, ont été interpellés fin février par les gendarmes de Saint-Tropez : ils risquent jusqu’à 10 ans de prison (France 3 Côte d’Azur).

Parfois, les retours sont réalisés par les Musées qui possèdent des objets obtenus à la suite de vols. « Lutter contre le trafic international illicite des biens culturels, c’est promouvoir le respect dû aux biens culturels, ainsi qu’à ceux qui en sont les dépositaires légitimes » : cette phrase de Koïchiro Matsuura, Directeur général de l’UNESCO, prononcée le 12 juin 2007, sert de préambule aux exemples d’opérations de restitution de biens culturels réussies présentés sur le portail de l’Unesco. Le Getty, souvent accusé d’être peu regardant sur l’origine des oeuvres acquises pour ses collections, a choisi d’aligner sa réglementation sur les principes de la Convention de l’UNESCO de 1970. De fait, le Getty a déjà rendu des antiquités, en Italie en particulier avec la restitution de la célèbre Vénus de Morgantina. Le Getty poursuit cette démarche et vient de rendre trois fragments de marbre à la Grèce (Le Nouvel Observateur du 9 mars 2012). En Turquie, on attend le retour de mosaïques aujourd’hui détenues par la Bowling Green State University, lesquelles proviennent probablement de Zeugma. Le site de zeugma avait été pillé dans les années 1960 (Bible History Daily du 3 mars 2012).

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Crédit photographique

Lien à la photographie « Old Museum, Olympia » sur Flickr par RobW_ et « Palmyra » sur Flickr par Hovic.

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Citer ce billet

Christophe Hugot, « Patrimoine archéologique en danger », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 12 mars 2012. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2012/03/12/actualite-antiquite-10/>. Consulté le 21 November 2024.