L’archéologie en 2016 par @bsaLille3 (Partie 2)

Actualité de l’Antiquité / 15.

Deuxième des trois volets qu’Insula consacre à une rétrospective concernant l’archéologie en 2016. Avec cette relecture du compte Twitter de la BSA, on voyage de l’Asie à l’Europe et on découvre l’usage des technologies de pointe pour la connaissance de notre passé.

Chine, Japon

L’horizon de l’archéologie classique s’étend. L’une des nouvelles les plus étonnantes (et sans doute l’une des plus controversées) de 2016 concerne la Chine. La fameuse armée de statuettes réalisée pour le mausolée de l’empereur Qin aurait été inspirée (voire réalisée) par… des Grecs. L’une des preuves avancées serait le style des statuettes, comme le souligne Lukas Nickel, mais surtout la découverte d’un fragment d’ADN d’origine européenne, retrouvé sur le site, datant de l’époque de construction des statuettes.

chinese

La nouvelle fut abondamment reprise. Les médias Chinois réagirent, marquant leur scepticisme. Li Xiuzhen, l’archéologue chinoise  prétendit que ses propos avait été exagérés et exploités hors contexte par la BBC (@primonewsapp) : «  archaeologist refutes BBC report on  Warriors » (@shanghaidaily).
chinese-refuteCette histoire est symptomatique du traitement médiatique, l’information sensationnelle devenant rapidement virale. Avec cette affaire chinoise, et les réactions lues çà et là sur internet, on peut cerner le mesusage politique ou nationaliste d’informations culturelles. Nous en aurons d’autres exemples. Mais cet emballement médiatique dit aussi que le public marque un intérêt pour ces informations archéologiques, que ces dernières concernent des pays lointains comme la Chine ou, comme nous le verrons dans une troisième partie, révèlent un passé se trouvant juste sous nos pieds.

Au Japon on a retrouvé des monnaies romaines datant du IVe siècle dans les ruines d’un château, situé sur l’île subtropicale d’Okinawa, à une dizaine de milliers de kilomètres de Rome (@Le_Figaro). L’archéologue Hiroki Miyagi pense qu’elles sont parvenues au Japon via des échanges avec le sud-est de la Chine. Mais quelle route ont pris ces pièces, de l’empire romain à la Chine, entre le Daquin (l’empire romain) et le pays des Sères (l’empire chinois) ? Les possibilités sont nombreuses, d’autant qu’en 2016 une nouvelle voie concernant la route de la soie a été rendue publique. De nouveaux indices suggèrent en effet aux archéologues que l’ancienne route commerciale passait aussi par les hautes montagnes du Tibet (@pourlascience).

Les échanges vont évidemment dans les deux sens. Les marchandises, mais également les individus. Si on a retrouvé de l’ADN d’un occidental en Chine, les archéologues britanniques ont cru pouvoir annoncer que des squelettes d’asiatiques avaient été retrouvés lors de fouilles dans un cimetière romain de Londres: « les deux dépouilles se sont révélées proches des populations chinoises et japonaises du XIXe siècle », a rapporté la responsable des fouilles. ces deux squelettes étaient accompagnés de quatre squelettes d’individus originaires d’Afrique du Nord (@Sciences_Avenir).

Toujours en Grande-Bretagne, à Leicester, l’antique Ratae Corieltauvorum, les archéologues ont également retrouvé des squelettes d’Africains (@bsaLille3). Mais ces déterminations d’origine, basées à partir des isotopes, laissent parfois sceptiques ou demandent à être nuancées (@DimitriTilloi). Quoi qu’il en soit, l’Antiquité n’avait pas de murs face aux migrations, que ces dernières fussent volontaires ou non. De ces allées et venus, il en reste peut être quelque chose chez nos contemporains. Des études d’ADN sur des habitants d’un village de Chine, aux frontières du désert de Gobi, reviennent périodiquement dans l’actualité pour accréditer que l’origine caucasienne de ces villageois serait la conséquence de liens avec des soldats romains durant l’Antiquité (@EvelyneFerron). Refaisons le voyage. Notre billet va remonter de l’Asie jusqu’à l’Europe du Nord, en passant par la Russie, le Kazakhstan, la Serbie, la Crimée, la Mer Noire, la Bulgarie, la Hongrie,  la Grande-Bretagne et la France.

Mongolie, Kazakhstan, Russie, Serbie, Crimée

En Mongolie, les archéologues ont découvert une tombe avec une momie très bien conservée contenant tout le rituel turcique, datée du VIe de notre ère (@LExpress). Dans la région de Karaganda, en plein centre du Kazakhstan, les archéologues ont fait la découverte d’une surprenante pyramide (@bsaLille3). Toujours au Kazakhstan, les archéologues ont rendu public un vaste ensemble de pierres de l’époque des Huns (@bsaLille3). Des scientifiques russes ont annoncé avoir trouvé la preuve que la fameuse « Licorne de Sibérie », qui aurait la grâce d’un gros rhinocéros de 4,5 mètres de long avec une seule corne, aurait été contemporaine de l’homme, au Kazakhstan (via @franceinfo). Toujours en Sibérie, ce sont pas moins de 115 chiens qui ont été retrouvés dans un cimetière scythe (@amayor). Parmi les découvertes issues du sol de la Russie, signalons la stèle en marbre du roi Darius Ier écrite en perse dans des fouilles entreprises sur le site de l’antique Phanagoria (via @HeritageDaily). En Serbie : découverte de lamelles en or et en argent écrites en grec (@bsaLille3). En Crimée : découverte d’une forteresse grecque antique (@bsaLille3).

Bulgarie, Hongrie

En Mer noire, dans les eaux bulgares, des scientifiques ont trouvé grâce à un robot une accumulation d’épaves constituée d’une quarantaine de navires particulièrement bien conservés, dont certains datant de l’époque byzantine (@nconstans). L’ensemble parait si bien conservé que, selon l’un des scientifiques, « on pourrait retrouver des livres, des parchemins, des documents. Qui peut savoir tout ce qu’ils transportaient? Maintenant, nous avons la possibilité de savoir. C’est incroyable » (via @ThePOSITIVR).

En Bulgarie, sur terre cette fois, on a peut être mis au jour le plus vieil artefact en or du monde, une perle de 0,15g datant de 4500-4600 avant notre ère trouvée sur le site archéologique de Tell Yunatsite (via @ReutersUK). En Hongrie, l’actualité archéologique la plus commentée est sans doute la confirmation en 2016 de la découverte de la tombe de Soliman le magnifique. Voir à ce sujet la belle synthèse de @nconstans.

Grande-Bretagne

Nous avons déjà eu l’occasion de parler de ces squelettes extra européens trouvés à Londres ou Leicester. Un fragment de poterie retrouvé permet d’émettre l’hypothèse de l’existence d’un établissement chrétien à Londres à l’époque romaine (@EvelyneFerron). Toujours à Londres, des ouvriers ont découvert plus de 400 tablettes remontant à l’an 43 (@Maxisciences). Parmi celles-ci, la première attestation du nom de Londres : Londinium.

A Vindolanda, ce sont pas moins de 400 chaussures retrouvées, d’une très grande variété, pour hommes, femmes et enfants (@bsaLille3).

France

En France, l’actualité est quotidiennement ponctuée de découvertes archéologiques, liées le plus souvent aux travaux d’aménagement. Les médias locaux s’en font volontiers l’écho. Ces découvertes concernent évidemment toutes les périodes. Deux exemples dans le Nord: découverte des vestiges d’un château en plein cœur de Lille (@bsaLille3) et celle d’étonnantes statues à Orchies (@Inrap). Autre exemple à Vénissieux, avec la mise au jour d’un dépotoir du début du XXe siècle donnant à voir des milliers d’objets des années folles (@inrap). Ou encore cette fouille d’un bunker allemand à Caen (@bsaLille3).

Parmi les découvertes plus spécifiquement liées à l’Antiquité, citons: la découverte d’un temple gallo-romain près de Marne la Vallée (@galliaromana); d’un atelier de sel datant du VIe siècle avant notre ère à Marsal (@lerepu); d’un four de verrier antique à Reims (via @UnionArdennais); de cinq fours de potiers gallo-romains à Vermand dans l’Aisne (via @F3Picardie); d’un fort romain à Valences (via @bsaLille3); d’une villa gallo-romaine près de Metz (via @bsaLille3); d’un surprenant dallage de basalte sur le site gaulois de Gergovie (via @Sciences_Avenir); d’une voie romaine à Aix-en-Provence (@bsaLille3). A Lattes, près de Montpellier, les archéologues ont découvert les restes d’un bâtiment qui s’apparente à une taverne ou à une possible auberge. Ce « Bar du port » serait la plus vieille taverne de France, datant du IIe siècle avant notre ère (via @bleuherault)

Autres découvertes: un trésor de 48 pièces d’or à Martigues (via @MSR_Tlse); de probables roues de Métagénes aux Saintes-Maries-de-la-mer (@bsaLille3); d’une église paléochrétienne et d’une nécropole à Nîmes (@nimes); parmi les squelettes nîmois, ceux de Musulmans datés entre le VIIe et le IXe siècles (@Sciences_Avenir); découverte d’une nécropole mérovingienne d’au moins 600 squelettes en Picardie (via @20minutes); de sarcophages mérovingiens à Bordeaux (via @20minutes); etc. Mais les deux découvertes les plus saisissantes de l’année se trouvent sans doute à l’extrémité est/ouest de la France. Elles émanent des fouilles de l’Inrap. Le 6 juin, Dominique Garcia fait une annonce alléchante: dominique-garcia Les archéologues ont découvert les traces d’une scène de massacre vieille de plus de 6000 ans dans l’Alsace préhistorique, lors de fouilles effectuées à Achenheim, près de Strasbourg: des squelettes retrouvés dans des positions invraisemblables, les os révélant de très nombreuses fractures. Les squelettes complets sont accompagnés de quatre bras gauches en surnombre, qui pourraient être des trophées guerriers. Les fouilles d’Achenheim viennent confirmer que le néolithique n’était pas pacifique, s’il fallait encore combattre cette idée longuement entretenue (@EmmanuelLauren2).

Autre découverte exceptionnelle, en Bretagne cette-fois : une vaste villa gallo-romaine, dotée de thermes luxueux « dans un état de conservation exceptionnel », située à Langrolay-sur-Rance, entre Dinan et Dinard (@EmmanuelLauren2 via @LeTelegramme). La petite annonce immobilière aurait du charme:

EXCEPTIONNEL DANS LE SECTEUR. Demeure spacieuse située à 10 milles romains de Fanum Martis (Corseul), bien desservie par la route ou la Rance (depuis le port de Taden). Sur plus de 2ha, villa dotée de 1500 mètres habitables. Plusieurs corps de bâtiments composent un ensemble disposé en « U » autour d’une cour centrale, bordée sur trois côtés de galeries à colonnades sur 120m. Très bonne exposition. Le bien, qui comprend deux piscines dont une chauffée, un sauna, des salles de massage, est décoré avec goût (murs et plafonds ornés de peintures, et enduits incrustés de coquillages). Autres commodités: une écurie, des logements techniques. Prix sur demande.

Langrolay sur Rance
Langrolay sur Rance

Des techniques sophistiquées

Les outils pour réaliser les fouilles évoluent. Les images prises par les satellites servent de plus en plus régulièrement pour découvrir la surface de la terre, mais également pour détecter les épaves gisant au fond des océans (via @Sciences_Avenir). Une fois détectée, l’épave peut être photographiée par des robots. Nous avons vu l’exemple en Mer noire. Ces robots peuvent imiter l’homme, comme le fait un robot-archéologue ressemblant à s’y méprendre à un plongeur et qui, testé à Toulon et Marseille, peut descendre à des profondeur abyssales avec la dextérité d’un humain (@Sciences_Avenir et @MadeMarseille).

plongeurDans la première partie de notre rétrospective 2016, nous avons évoqué la Mission « Scan Pyramids ». Celle-ci utilise les techniques les plus sophistiquées pour connaître l’intérieur des pyramides sans percer de nouveaux trous, en particulier en scannant le cœur d’une pyramide grâce à des particules cosmiques, les muons, mais également en utilisant la thermographie infrarouge, la photogrammétrie, la 3D.

« La pratique du scan 3D est rapidement devenue un outil vital pour la préservation historique à la fois sur site et en laboratoire » déclare le PDG d’une entreprise de fabrication de ce matériel. L’un des exemples de 2016 a été son utilisation pour l’étude et la préservation des données de l’armée de terre cuite en Chine (@bsaLille3). Un autre exemple a été la numérisation 3D du site archéologique de Pompéi, offrant une précision au millimètre prés de la cité antique:

Toutes les découvertes archéologiques ne sont pas faites sur le terrain, mais par l’étude en laboratoire. Parmi celles-ci, nous avons vu que l’étude des isotopes et de l’ADN permettaient de parvenir à des résultats étonnants. L’étude légiste des restes retrouvés permet d’en savoir plus sur la santé de nos ancêtres. Ainsi, en 2016, a t-on appris que le paludisme tuait déjà dans la Rome antique (@bsaLille3); que le cholestérol sévissait il y a 6600 ans (@bsaLille3); qu’Ötzi, homme des glaces vieux de 5300 ans, était infecté par une bactérie « asiatique » (@lemonde). Il a été souvent question de l’étude des corps pétrifiés de Pompéi qui, près de 2000 ans après l’éruption, ont « livré leurs secrets » par l’utilisation du scanner (@bsaLille3). Les résultats obtenus permettent d’avancer que de nombreux habitants seraient souvent morts en bonne santé (leur dentition très saine étant le signe d’une alimentation riche en fruits et en légumes), écrasés par les toitures effondrées, et non par suffocation. Grâce à ces techniques d’imagerie, mais aussi de médecine légale, les chercheurs ont par cette occasion pu déterminer avec plus de précision l’âge, le sexe, les maladies et même la classe sociale des victimes (@bsaLille3).

Le synchrotron permet de lire les papyrus carbonisés de Pompéi et d’Herculanum (@bsaLille3 et @bsaLille3). Une nouvelle technique d’imagerie numérique en 3D a également permis de lire une version du Lévitique d’un Manuscrit de la Mer morte (@bsaLille3). Concernant Qumrân, le numérique vient au profit de l’archéologie par la création d’une base de données numérisée regroupant toutes les informations ayant trait aux rouleaux de la Mer Morte, créant un gigantesque puzzle numérique (via @siliconwadi_fr).

Mais ces moyens mis en place cèdent parfois la place à l’inattendu.

Les découvertes fortuites

Les découvertes décrites dans les deux billets sont réalisées au cours de campagnes de fouilles programmées, ou de fouilles de sauvetage, ou par des études réalisées dans des laboratoires, par des experts. Les médias aiment aussi rapporter les trouvailles réalisées par hasard. Nous avons déjà évoqué les tablettes retrouvées à Londres par des ouvriers. En Espagne, des ouvriers ont ainsi trouvé par hasard un trésor de 19 amphores remplies de pièces romaines, dans la petite ville espagnole de Tomares, dans la région de Séville. Ce trésor représente la bagatelle de 600 kg de monnaies datées entre le IIIe et le IVe siècle de notre ère, selon les premières analyses (@afpfr). Les photographies de ce trésor sont évidemment impressionnantes (@bsaLille3).

Autres découvertes fortuites, celle réalisée par un blaireau, près de Stonehenge (@bsaLille3) et celle réalisée par un Australien qui, cherchant un endroit pour uriner, a mis au jour des milliers d’objets et de fragments d’os qui prouveraient que l’installation des premiers Australiens autochtones se serait tenue 10000 ans plus tôt qu’on ne le pensait (@bsaLille3). Les phénomènes naturels peuvent faire apparaître des vestiges ignorés. Aux États-Unis, un lac asséché dévoile ainsi des vestiges du Far West :

On a vu dans la première partie de notre rétrospective que des archéologues avaient retrouvé des vestiges grâce aux images de Google. Durant quelques jours, on a pu penser qu’un gamin avait ainsi retrouvé une cité Maya.

Mais que deviennent toutes ces découvertes archéologiques une fois le travail de terrain achevé ? C’est ce que dira la troisième et dernière partie de notre rétrospective 2016 qui s’intéressera au patrimoine archéologique.

À suivre …
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Citer ce billet

Christophe Hugot, « L’archéologie en 2016 par @bsaLille3 (Partie 2) », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 6 janvier 2017. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2017/01/06/retrospective-archeologique-2016-2/>. Consulté le 19 March 2024.