Le 22 octobre − ou plutôt le 1er Brumaire − est le jour de la pomme, dans le calendrier révolutionnaire français qui remplaça, entre 1792 et 1806, le calendrier grégorien. L’occasion pour nous de parler de ce fruit et de la saison d’automne dans l’Antiquité. Car l’Antiquité a une toute autre perception de la saison d’automne que nous. Étroitement associé à la fin des vacances, l’automne a perdu tout l’implicite du mot, et Verlaine, avec sa chanson, n’a fait qu’accentuer la mélancolie de la saison. Revenons donc aux sources !
En latin
Le mot « automne » vient du latin automnus, dont la racine verbale est le verbe augeo, augmenter. Pour nous qui constatons sur l’éphéméride le déclin progressif de la longueur des journées, le sens premier de ce mot n’est pas évident. Et nous ne sommes pas vraiment aidés par les Anglais qui appellent cette saison « fall » !
En grec
Le grec ancien nous sera d’un plus grand secours : l’automne se dit μετóπωρον, métopôron, ce qui signifierait, littéralement, « la saison après les fruits », lorsque les récoltes sont entreposées pour affronter l’hiver. Pour revenir au latin, et donc au français, on peut alors comprendre, avec Sextus Pompeius Festus, grammairien du IIème siècle après J.-C. qui s’intéressa au sens des mots, que cette saison automnale correspond au moment où les réserves sont pleines. Pleines de fruits, notamment, dont les noms ont connu de longues histoires. Intéressons-nous à un fruit de saison, la pomme.
Méli-mélo
La pomme, c’est connu, s’appelle μñλον, mêlon, en grec, ce qui a pour correspondant latin malum. Le jeu de mot avec le neutre de l’adjectif malus, mauvais, s’imposait. Néanmoins, le mot qui désigne le fruit de l’arbre de la connaissance dans la Genèse de la Septante n’est pas, explicitement, une pomme − le terme employé est καρπóς, karpos, le fruit − ! Mais en français, le latin classique malum ne persiste que dans la langue scientifique : le terme a été concurrencé par pomum, (ou pomus) qui désigne plus généralement le fruit à pépins. Comme souvent le français a gardé le terme populaire, tout en utilisant le mot classique pour former le lexique spécialisé (cf. par exemple la famille de mot de cheval, en français, qui vient de caballus, qui a concurrencé equus.)
Le français, toutefois, a probablement conservé le souvenir de cette pomme, μñλον, dans le mot méli-mélo. Certes, les interprétations étymologiques divergent, mais, si certains y voient une altération de « pêle-mêle », que l’on trouve dans Chrétien de Troyes, ou une onomatopée qui reproduit le bavardage, on peut aussi y retrouver le grec μελíμηλον, melimêlon, qui a un correspondant latin, malimelum et qui désigne une pomme d’août, un greffon de pommier sur un cognassier, ou une boisson, où s’associent miel et pomme. Dans tous les cas, c’est l’idée de mélange et de douceur qui prédominent dans le grec et l’on trouve une autre évolution du mot dans le terme de « marmelade », qui désigne à l’origine une confiture de coings (mélange de fruits et de sucre, sous forme de miel).
Pour en savoir plus
Voir les dictionnaires étymologiques :
P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, 1977. [localiser l’ouvrage]
A. Ernout-A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, Paris, 1932.
Lire aussi sur Insula :
Marie-Andrée Colbeaux, « Méli-mélo d’automne », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 22 octobre 2010. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2010/10/22/meli-melo-automne/>. Consulté le 21 November 2024.