Livre I de la Périégèse universitaire (extraits).

Que saurions-nous d’une université, de son architecture, de son fonctionnement, de son enseignement et de sa recherche si nous n’avions que Pausanias pour guide et comme témoignage ? Pour le deuxième billet de notre série de pastiches antiques, Pausanias, auteur grec du 2^e siècle, entreprend de visiter les campus universitaires et traite en premier de celui de Lille 3.

Le blog Insula inaugure une nouvelle manière de parler des auteurs anciens : les faire parler sur des sujets contemporains. Les auteurs de ces billets écriront « à la manière de ». L’exercice n’est pas seulement frivole. En pastichant les Anciens sur des sujets actuels, ces textes peuvent révéler une manière d’écrire et de penser à l’aune de notre connaissance de ces mêmes sujets. Ils révèlent aussi notre rapport au texte par la traduction, avec ses imperfections et ses mécanismes qui peuvent eux-mêmes être objets de pastiche.

1. L’université de Lille 3 se trouve à environ cinquante stades de la cité de Lille, dans le bourg de Villeneuve d’Ascq ; autrefois l’université se trouvait à Lille. Une muraille entoure les lieux ; quand on entre sur le forum, il y a un grand bâtiment carré ; parmi les légendes qui ont cours à propos de ce bâtiment, il y a celle-ci : il devait être construit dans un pays chaud mais il fut construit là ; ce qui porte à croire cette tradition, c’est que le bâtiment a peu de fenêtres et que le toit est en terrasse. On y trouve des mosaïques ; on y met des livres. Non loin de là il y a un pont qui ne sert à rien parce qu’il est plus prudent de ne pas l’emprunter ; une chaîne empêche qu’on puisse le traverser ; personne n’a su me dire pourquoi il avait été construit.

2. Le forum est une immense place vide avec quelques palmiers ; c’est remarquable car le palmier n’est pas un arbre local ; il y avait autrefois à cet endroit une statue monumentale qui a été déplacée dans le parc ; elle semble très ancienne ; certains prétendent qu’elle représente un écureuil géant ; elle est près d’une mare que les gens d’ici appellent les « Trois Lacs ». À gauche du parc il y a le gymnase. Quand on se rend du parc au forum, on trouve un autel en pierre dont le dessus, divisé en deux, est peint en bleu ; un professeur que j’ai connu m’a assuré avoir été témoin que cette table sert à jouer, mais je n’ai vu personne autour.

3. L’université a deux bâtiments principaux réunis par un portique où des œuvres d’art sont exposées et où il est possible de manger. Le bâtiment de gauche est appelé « Alpha » et celui de droite est appelé « Béta ». Dans un bâtiment plus petit se trouvent réunis le bureau du stratège et ceux de son administration. Le stratège est élu par un petit nombre de citoyens de l’université qui sont eux-mêmes élus par tous ; ils se réunissent à peu près à chaque changement de lune dans la Salle du Conseil qui n’a rien de remarquable et prennent les décisions en commun. En allant vers la Salle du Conseil, il y a une statue en pierre de Soignies qui représente Héra ; elle est faite n’importe comment. On m’a dit que cette statue vient de l’ancienne Faculté mais j’ai peine à croire qu’on lui fit faire le déplacement. Près de la Salle du Conseil il y la Bibliothèque des sciences de l’Antiquité mais je n’ai pas su la trouver ; les couloirs à cet endroit sont très nombreux. On m’a assuré que toute la littérature antique qui n’a pas brûlé s’y trouve rassemblée.

4. On m’a dit que c’est Dédale qui a construit l’université ; mais je ne crois pas que ce soit vrai, car cela ne ressemble en rien à ce que j’ai vu de cet architecte. Il me faudrait dire un mot à propos de ce Dédale, fils d’Hymétion et d’Iphanoé, mais il me faut poursuivre mon récit, si je veux décrire de cette manière toutes les universités.

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