Bulles d’Antiquité est le nom de l’exposition proposée du 2 février au 28 août 2012 par le Musée de Bavay, qui veut confronter les découvertes archéologiques et la bande dessinée, parfois à l’origine d’un intérêt du grand public pour l’Antiquité. Bulles d’Antiquité, avouons-le, est un titre qui sonne bien, comme des bulles de savon dont le caractère éphémère n’ôte rien à leur magie. Il existe néanmoins un synonyme, le phylactère, d’origine grecque, dont l’histoire mériterait une bulle.
La racine grecque
L’origine du mot « phylactère » est bien identifiée et remonte au verbe φυλάττω, phulattô, qui signifie garder, surveiller, conserver. L’adjectif φυλακτήριον, phulaktèrion, désigne ce qui sert à garder, le talisman, si bien que substantivé, il désigne, chez Hérodote, Enquêtes, V, 52, le poste gardé, le fort, chez Platon, dans les Lois 917 b, les gardes, et par glissement de sens, chez Plutarque, le terme désigne l’amulette, l’objet apotropaïque, dans le traité Sur Isis et Osiris, 2. 378 b. C’est avec ce sens que le terme passe en latin, retranscrit tel quel, phylacterium. Il s’agirait d’une bande avec des inscriptions enroulée sur elle-même et glissée dans un petit tube de fer, porté au cou1.
Cette famille de mot est encore représentée en français, dans la langue médicale notamment, où l’on parle de prophylaxie, comme traitement préventif, ou de choc anaphylactique, qui manifeste l’hypersensibilité du corps à un allergène.
Le phylactère en religion
Dans les versions grecque et latine du Nouveau Testament, on retrouve ce terme, notamment dans Matthieu, 23, 5 : Jésus reproche aux Pharisiens d’exhiber leur foi, en exhibant des pancartes portées au cou. Cette tradition perdure sous la forme du phylactère, dit-on, en français : fragment de parchemin avec quatre versets de la Bible, porté dans une petite boîte cubique au front ou au bras lors de la prière du culte hébraïque. Il s’agirait, de manière métaphorique, de mettre la pensée et la force sous la protection divine.
Pour protéger les reliques de saint, le phylactère désigne aussi, dans la religion catholique, la châsse, appelée aussi plus couramment le reliquaire.
Le phylactère en peinture
Mais c’est sans doute la représentation d’une banderole comportant une inscription qui amène le sens bien connu en histoire de l’art médiéval2 où le phylactère se présente comme une étiquette désignant le sujet ou le personnage du tableau, mais aussi comme un moyen de transmettre une émission de sons, une prise de parole ou un dialogue.
Le phylactère et la bulle
Par analogie, le phylactère désigne, dans la bande dessinée, la prise de parole des personnages : si l’on songe aux albums de Blake et Mortimer, d’E. P. Jacobs, ou encore la série Alix de Jacques Martin, les phylactères sont rectangulaires, évoquant davantage les phylactères médiévaux. Néanmoins, à cause des formes proches de l’ellipse, souvent, le terme de bulle, plus transparent, s’impose.
Ironie étymologique, la bulle désignait aussi, à cause de sa forme sphérique, une amulette portée par les enfants, chez les Romains.
- Cf. la notice d’un phylactère magique sur le site Gallica [↩]
- Voir par exemple, l’exposition virtuelle de la BNF : la BD avant la BD [↩]
Lire aussi sur Insula :
Marie-Andrée Colbeaux, « Le phylactère et la bulle », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 17 mars 2012. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2012/03/17/le-phylactere-et-la-bulle/>. Consulté le 21 November 2024.