Fragment du discours 152.
Dans le fragment du discours 152 trouvé sur papyrus, qui ressemble beaucoup à la Réponse à ceux qui l’avaient appelé arrogant, Libanios semble s’inquiéter d’une réforme de l’éducation ce qui pose un léger problème chronologique et laisse penser qu’il doit plutôt s’agir d’un nouveau pastiche du blog Insula.
Mets un terme à la ruine de l’éducation et tu mettras un terme aux propos que me suggère cette ruine. Mais si elle continue, pourquoi veux-tu freiner ma langue ? Ce sont les faits même qui me poussent à parler. Mais toi tu agis comme un médecin qui n’étant pas capable de guérir une blessure, ordonnerait seulement à celui qui souffre de cesser de se plaindre et, pendant ce temps, lui couperait un tendon valide. Rends donc aux collèges leur vigueur d’autrefois et leur excellence d’antan et tu entendras alors ma palinodie. Rétablis la littérature dans sa situation première, les langues anciennes -et même le germain- dans leurs droits et réclame-nous alors, à raison, l’éloge des temps nouveaux. Mais si la maladie suit son cours, si le mal ne fait qu’empirer, si les réformes d’autrefois paraissent légères et indolores à côté de celles d’aujourd’hui, si ce qui vaut moins est plus estimé et si ce qui vaut plus est toujours plus méprisé, affaibli et comme jeté à bas, pourquoi veux-tu m’obliger à célébrer la décadence sur un parterre de roses mortelles ? Voilà donc le premier motif, fort important du reste, qui m’incitait à parler, mais il y en a un autre qui n’est pas moindre. J’espérais que mon discours aurait quelque incidence, qu’il soignerait et redresserait un peu les choses si les gens se le transmettaient les uns aux autres jusqu’à ce qu’il parvienne aux oreilles des candidats. Mais sur ce point aussi la Fortune m’a leurré et j’ai espéré en vain. Car ceux qui ont le privilège de parler aux candidats leur parlent de tout plutôt que de semblables sujets. Ils négligent les choses utiles et ne disent que ce qui leur permettra de s’assurer une place dans la curie et de plaire au plus grand nombre. Que reste-t-il donc à faire ? Prier les dieux pour qu’ils viennent au secours des sanctuaires des Muses, des agriculteurs, des militaires, des infirmières, des professeurs, de la langue grecque ; pour qu’ils réduisent ce qui s’est étendu indûment, qu’ils fassent en sorte que les activités injustement méprisées retrouvent leurs prérogatives et que je retrouve, quant à moi, des raisons d’espérer au lieu du chagrin qui me mine aujourd’hui.
Le blog Insula poursuit sa nouvelle manière de parler des auteurs anciens : les faire intervenir sur des sujets contemporains. Les auteurs de ces billets écriront « à la manière de ». L’exercice n’est pas seulement frivole. En pastichant les Anciens sur des sujets actuels, ces textes peuvent révéler une manière d’écrire et de penser à l’aune de notre connaissance de ces mêmes sujets. Ils révèlent aussi notre rapport au texte par la traduction, avec ses imperfections et ses mécanismes qui peuvent eux-mêmes être objets de pastiche.
Lire aussi sur Insula :
Sébastien Barbara, « À la manière de… Libanios », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 8 mars 2017. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2017/03/08/a-la-maniere-de-libanios/>. Consulté le 14 November 2024.
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